L’orthorexie: reconnaître et gérer
Vous voulez en savoir plus sur l’orthorexie? Vous êtes sur la bonne page! Vous trouverez ici toutes les informations nécessaires pour identifier et savoir réagir face à l’orthorexie.
Rédacteur: Dr Nicolas Neveux, Psychiatre à Paris, formé en Thérapie Cognitive et Comportementale (AFTCC) et en Thérapie Interpersonnelle (IFTIP),
mail: dr.neveux@gmail.com
Sources: Pratiquer la Thérapie Interpersonnelle (TIP), Dunod; Prendre en charge la dépression avec la thérapie interpersonnelle, Dunod.
L’essentiel:
- Peut être un symptôme de pathologies graves (troubles anxieux, dépression…)
- Un médecin/psychiatre doit faire le diagnostic et coordonner la prise en charge
- La TCC est le traitement indiqué en première intention
Qu’est-ce que l’orthorexie ? Définition et reconnaissance scientifique
L’orthorexie (ou orthorexia nervosa) est un trouble du comportement alimentaire caractérisé par une obsession pathologique pour une alimentation jugée « saine » ou « pure ». Le terme, forgé en 1997 par le médecin américain Steven Bratman, combine les mots grecs orthos (« correct ») et orexis (« appétit »). Contrairement à l’anorexie ou à la boulimie, qui se concentrent sur la quantité de nourriture ingérée, l’orthorexie se focalise sur la qualité des aliments. La personne orthorexique élimine progressivement de son régime tout ce qu’elle considère comme « malsain » : sucres, graisses, additifs, produits transformés, voire des groupes entiers d’aliments (gluten, lactose, viande, etc.). Cette quête de pureté alimentaire, bien que partie d’une intention louable, peut devenir une source de souffrance et de dysfonctionnement majeur. Exemple clinique :
Sophie, 28 ans, étudiante en diététique, commence par éliminer les produits industriels de son alimentation. Peu à peu, elle supprime les céréales non bio, puis les légumes non locaux, et enfin tous les aliments cuits à plus de 40°C. Elle passe plusieurs heures par jour à préparer ses repas, refuse toute invitation à dîner, et développe une anxiété intense à l’idée d’ingérer un aliment « interdit ». Son poids chute, elle souffre de carences en fer et en vitamine B12, et son isolement social s’aggrave.
Reconnaissance officielle et critères diagnostiques
À ce jour, l’orthorexie n’est pas reconnue comme un trouble à part entière dans les classifications internationales (DSM-5, CIM-11). Cependant, sa réalité clinique est de plus en plus admise par les professionnels de santé, et des critères diagnostiques ont été proposés par des chercheurs comme Steven Bratman et Thomas Dunn. Les critères les plus cités incluent :
– Une préoccupation obsessionnelle pour la qualité des aliments, avec des règles alimentaires inflexibles.
– Une altération significative du fonctionnement social, professionnel ou familial (isolement, conflits, perte de plaisir à manger).
– Une détresse psychologique marquée en cas de transgression des règles auto-imposées (culpabilité, anxiété, honte).
– Des conséquences médicales (carences, malnutrition, perte de poids involontaire).
Différence avec d’autres troubles alimentaires
L’orthorexie se distingue de l’anorexie mentale (restriction quantitative) et de la boulimie (compulsions alimentaires), mais elle peut coexister avec ces troubles ou en être un précurseur. Elle partage aussi des traits avec le trouble obsessionnel compulsif (TOC), notamment la rigidité cognitive et le besoin de contrôle. —
Épidémiologie : qui est touché par l’orthorexie ?
Les études épidémiologiques sur l’orthorexie sont encore limitées, mais certaines tendances se dégagent :
– La prévalence varie de 0,3 % à 90 % selon les populations étudiées et les outils de mesure utilisés.
– Les taux sont plus élevés chez les étudiants en nutrition, les athlètes, les professionnels de santé, et les personnes déjà touchées par d’autres troubles alimentaires.
– En France, on estime que 2 à 3 % de la population pourrait présenter des symptômes orthorexiques, avec une prédominance féminine. Exemple clinique :
Marc, 35 ans, coach sportif, adopte un régime paléo strict pour optimiser ses performances. Il élimine tous les glucides, puis les légumineuses, et enfin les fruits. Il pèse chaque portion, refuse de manger en dehors de chez lui, et développe une irritabilité marquée. Son entourage s’inquiète de son amaigrissement et de son repli sur lui-même.
Facteurs de risque
Plusieurs facteurs augmentent le risque de développer une orthorexie :
– Antécédents de troubles alimentaires (anorexie, boulimie).
– Tendances perfectionnistes, anxiété, besoin de contrôle.
– Exposition à des régimes restrictifs ou à des idéaux de santé extrêmes (réseaux sociaux, influenceurs).
– Métiers ou activités où l’image corporelle ou la performance sont centralisées (sportifs, mannequins, professionnels de santé). —
Symptômes et signes d’alerte de l’orthorexie
Les symptômes de l’orthorexie s’installent progressivement et peuvent passer inaperçus, car ils sont souvent perçus comme une simple volonté de bien manger. Voici les principaux signes à repérer :
Comportements alimentaires
– Élimination progressive d’aliments jugés « malsains » (sucre, gluten, produits animaux, etc.).
– Rituels de préparation et de consommation (lavage excessif, cuisson spécifique, mastication lente).
– Refus de manger des plats préparés par d’autres, peur de la contamination.
– Temps excessif passé à planifier, acheter et préparer les repas.
Conséquences psychologiques
– Anxiété ou culpabilité intense en cas de transgression des règles alimentaires.
– Isolement social (refus des invitations, conflits avec l’entourage).
– Perte de plaisir à manger, sentiment de supériorité morale vis-à-vis des autres.
Conséquences physiques
– Carences nutritionnelles (fer, calcium, vitamines B).
– Perte de poids involontaire, fatigue, troubles digestifs.
– Risque accru de dénutrition, d’anémie, et de troubles musculo-squelettiques. Exemple clinique :
Léa, 22 ans, étudiante en médecine, commence par éviter les fast-foods, puis les plats cuisinés, et enfin tous les aliments non bio. Elle passe 4 heures par jour à cuisiner, refuse de partager un repas avec ses amis, et développe des vertiges et une aménorrhée. Son médecin diagnostique une carence en vitamine D et en oméga-3, et l’oriente vers un psychiatre. —
Conséquences de l’orthorexie sur la santé
L’orthorexie a des répercussions majeures sur la santé physique, psychologique et sociale.
Impact physique
– Carences nutritionnelles : exclusion de groupes alimentaires entiers (produits animaux, céréales) peut entraîner des déficiences en protéines, fer, calcium, vitamines.
– Dénutrition : perte de poids, fatigue chronique, troubles immunitaires.
– Troubles digestifs : constipation, ballonnements, intolérances alimentaires secondaires.
Impact psychologique
– Anxiété et dépression : la peur de mal manger devient omniprésente, avec un sentiment de perte de contrôle.
– Isolement social : difficulté à participer à des repas familiaux ou entre amis, conflits relationnels.
– Rigidité cognitive : pensée dichotomique (« bon/mauvais »), difficulté à tolérer l’incertitude.
Impact social et professionnel
– Difficulté à maintenir des relations, perte d’emploi ou d’opportunités professionnelles en raison des contraintes alimentaires.
– Stigmatisation, incompréhension de l’entourage. Exemple clinique :
Thomas, 40 ans, cadre supérieur, adopte un régime cétogène strict pour « optimiser ses performances cérébrales ». Il apporte ses propres repas au travail, évite les déjeuners d’équipe, et développe une irritabilité marquée. Son équipe le perçoit comme distant et rigide, ce qui nuit à sa carrière. —
Orthorexie et réseaux sociaux : un lien préoccupant
Les réseaux sociaux jouent un rôle croissant dans l’émergence et l’aggravation de l’orthorexie. Les plateformes comme Instagram, TikTok ou YouTube diffusent massivement des contenus promouvant des régimes restrictifs, des idéaux de santé extrêmes, et des comparaisons corporelles.
Mécanismes d’influence
– Normalisation de la restriction : les influenceurs « healthy » valorisent des modes d’alimentation très restrictifs (végétalisme strict, raw food, etc.).
– Comparaison sociale : exposition à des corps « parfaits » et à des modes de vie idéalisés.
– Algorithmes de recommandation : les contenus extrêmes sont amplifiés, créant une bulle de validation des comportements orthorexiques.
Populations à risque
– Les adolescents et jeunes adultes, très exposés aux réseaux sociaux, sont particulièrement vulnérables.
– Les personnes déjà sensibles à l’anxiété, à la dépression, ou aux troubles alimentaires. Exemple clinique :
Emma, 19 ans, suit des comptes « healthy » sur Instagram. Elle adopte un régime végétalien cru, puis élimine les fruits pour « éviter le sucre ». Elle passe ses journées à photographier ses assiettes et à comparer son corps à celui des influenceuses. Son médecin diagnostique une orthorexie sévère, avec une carence en protéines et un isolement social marqué. —
Diagnostic et prise en charge de l’orthorexie
Comment poser le diagnostic ?
Le diagnostic de l’orthorexie repose sur :
– Un entretien clinique approfondi, explorant les habitudes alimentaires, les croyances, et l’impact sur la vie quotidienne.
– Des questionnaires validés (EFO-12, ORTO-15, DOS), bien qu’aucun outil ne soit encore standardisé.
– Une évaluation pluridisciplinaire (médecin, psychiatre, nutritionniste) pour identifier les complications physiques et psychologiques.
Prise en charge thérapeutique
La prise en charge de l’orthorexie doit être pluridisciplinaire :
– Suivi nutritionnel : réintroduction progressive des aliments évités, éducation à l’équilibre alimentaire.
– Psychothérapie : thérapies cognitives et comportementales (TCC) pour travailler sur les croyances, l’anxiété, et la flexibilité cognitive. Les thérapies centrées sur la pleine conscience et l’art-thérapie peuvent aussi être utiles.
– Prise en charge des comorbidités : dépression, anxiété, TOC.
– Soutien familial : implication de l’entourage pour favoriser la réinsertion sociale. Exemple clinique :
Julien, 30 ans, informaticien, consulte pour une fatigue intense et une perte de poids. Il avoue passer 5 heures par jour à chercher des recettes « parfaites » et éviter tout aliment contenant des additifs. Son psychiatre diagnostique une orthorexie avec un état dépressif réactionnel. Une TCC et un suivi nutritionnel lui permettent, en 6 mois, de réintroduire des aliments variés et de retrouver une vie sociale. —
Prévention et conseils pour les proches
Comment prévenir l’orthorexie ?
– Éduquer à l’équilibre : promouvoir une alimentation variée et plaisante, sans diaboliser certains aliments.
– Limiter l’exposition aux réseaux sociaux toxiques : encourager un usage critique des contenus « healthy ».
– Favoriser le plaisir de manger : valoriser les repas partagés, la convivialité, la diversité culinaire.
Que faire si un proche est concerné ?
– Écouter sans juger : éviter les critiques directes, privilégier l’empathie.
– Encourager une consultation : orienter vers un médecin ou un psychiatre spécialisé.
– Soutenir sans forcer : proposer des activités non centrées sur la nourriture, maintenir le lien social. —
Conclusion : l’orthorexie, un trouble à prendre au sérieux
L’orthorexie, bien que moins connue que l’anorexie ou la boulimie, est un trouble du comportement alimentaire aux conséquences graves. Son dépistage précoce et une prise en charge adaptée sont essentiels pour éviter l’aggravation des symptômes et améliorer la qualité de vie des personnes touchées. Si vous ou un proche présentez des signes d’orthorexie, n’hésitez pas à consulter un professionnel de santé. Une prise en charge pluridisciplinaire permet de retrouver une relation apaisée avec l’alimentation et de prévenir les complications physiques et psychologiques. —
Venir au cabinet
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Fait à Paris 16 par un psychiatre et un psychologue.
Auteur
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