Trouble Bipolaire, Bipolarité
Le trouble bipolaire est une pathologie malheureusement très fréquente. Ses conséquences psychiques peuvent être très lourdes.
L’essentiel
- les patients ont beaucoup de mal à reconnaître la véracité du diagnostic, notamment parce que les phases maniaques ne sont pas mémorisées, ou parce que l’état d’excitation est un état agréable qui n’amène pas les patients à souhaiter se traiter et donc à y renoncer.
- le diagnostic doit être posé par un psychiatre afin d’organiser la stratégie thérapeutique.
- le traitement est forcément institué par un médecin et combine un thymorégulateur et la psychothérapie.
- Les 2 seules psychothérapies à avoir prouvé leur efficacité dans cette indication sont la Thérapie Interpersonnelle (TIP) et la Thérapie cognitive et Comportementale (TCC).
Le trouble bipolaire (ou bipolarité) est un trouble de l’humeur assez fréquent et largement sous-diagnostiqué.
Il est multidimensionnel, invalidant et évolutif. En conséquence, il doit faire l’objet d’un traitement.
I/ Symptômes classiques
Le début des troubles commence avant 20 ans dans 40% des cas.
Critères diagnostiques
La personne présente une variabilité de l’humeur se traduisant par une alternance d’épisodes thymiques et d’intervalles indemnes de tout symptôme. Ces épisodes thymiques comprennent ainsi potentiellement:
- épisodes dépressifs (dépression). Il doit durer au moins 2 semaines.
- manies ou épisodes maniaques (excitation psychique, désinhibition psycho-sociale, grands projets, dépenses inconsidérées, impression que les idées filent, difficulté à se concentrer, impulsivité, coq à l’âne, idées de grandeur voire mégalomanie). Cet épisode doit durer au moins une semaine.
- hypomanies ou épisodes hypomaniaques : les symptômes sont les mêmes que dans l’épisode maniaque mais atténués, ce qui fait qu’ils passent souvent inaperçus
- épisodes mixtes (comprenant à la fois des éléments dépressifs et des éléments maniaques ou hypomaniaques)
NB: le mot « manie » est un faux ami: en psychiatrie, il n’est pas à prendre dans le sens « obsessionnel » mais dans le sens hyperexcitation de l’humeur. Les personnes qui ont eu:
- au moins un épisode maniaque ou mixte, avec ou sans dépression, présentent un trouble bipolaire de type I.
- au moins un épisode hypomaniaque, et au moins une dépression, présentent un trouble bipolaire de type II.
- plusieurs dépressions, présentent un trouble unipolaire.
- un épisode maniaque ou hypomaniaque déclenché au cours d’un traitement antidépresseur (virage maniaque), sans aucun épisode maniaque ou hypomaniaque spontané, présentent un trouble bipolaire de type III.
- Des épisodes atténués ont un trouble bipolaire de type IV.
- Cyclothymie: doit au moins durer 2 ans. Il n’y a pas plus de 2 mois sans symptôme.
Il est donc possible, pour certaines formes, de poser le diagnostic en une seule séance. Cela peut paraître étonnant aux yeux de certains mais il ne faut pas oublier que poser un diagnostic en une consultation est courant en médecine!
Autres arguments
De plus, des arguments liés aux antécédents psychiatriques doivent faire soupçonner une bipolarité. Ainsi, il s’agit de:
- antécédent d’épisode dépressif caractérisé avant 25 ans.
- la récurrence d’au moins 3 épisodes dépressifs caractérisés
Enfin certaines symptômes sont particulièrement évocateurs:
- hyperphagie
- hypersomnie ou perturbations du sommeil
La difficulté du diagnostic vient du fait que les symptômes peuvent tous exister de façon normale. La pathologie vient de leur:
- caractère inadapté
- intensité exagérée
- durée exagérée
Succession des épisodes
Les épisodes ont habituellement un intervalle d’un an sans traitement. Toutefois, il existe des patients présentant des cycles rapides (4 par an). Chaque épisode doit répondre individuellement au critères diagnostiques permettant de caractériser l’épisode. Qui plu est, un épisode de thymie opposée ou un intervalle libre doit succéder à chaque épisode. Ce cas de figure à cycles rapides est de plus mauvais pronostic. Cependant, les variations de l’humeur sont bien plus lentes que les variations d’humeur très importantes qu’on observe par exemple dans le trouble borderline.
La récurrence des épisodes concerne 90% des patients. Par ailleurs, elles sont principalement dépressives (70% des cas).
Symptômes résiduels
Au début, les périodes intercritiques (entre les épisodes) sont indemnes de symptômes.
Mais peu à peu, des symptômes résiduels ont tendance à se chroniciser.
On observe ainsi, même en dehors des épisodes:
- troubles cognitifs (trouble de concentration, de l’attention…).
- défaut de réactivité émotionnelle ou hypersensibilité émotionnelle.
- troubles du sommeil.
- pathologies physiques: migraines (35%), syndrome métabolique (37%), obésité (31%), diabète type II (14%)
- baisse d’estime de soi. Elle s’observe notamment du fait que le patient réalise ses difficultés dans la vie de tous les jours.
Il arrive que le patient masque les symptômes derrière une consommation de substance.
Exemple
Joseph a bénéficié de plusieurs traitements antidépresseurs, sans amélioration significative de son humeur. Il présente actuellement une humeur instable, associée à des fluctuations rapides entre l’euphorie et l’irritabilité, des idées de grandeur et des dépenses excessives.
II/ Autres symptômes
. De plus les troubles bipolaires sont très souvent accompagnés de:
- hypersensibilité émotionnelle ou hyperémotivité
- impulsivité
- conduites addictives (addiction au jeu, addiction à l’alcool, au cannabis, à la cocaïne)
- troubles anxieux (trouble panique, trouble anxieux généralisé, troubles obsessionnels compulsifs TOCs)
- TCA: Trouble du comportement alimentaire (anorexie, boulimie) et binge eating
- Répercussions sociales: isolement, conflit
- Idées délirantes mais en rapport avec l’humeur
III/ Fréquence du trouble bipolaire (OMS, juin 2022)
Il s’agit d’un trouble très fréquent. La bipolarité toucherait de 2 à 3% de la population générale et jusqu’à 5% dans certaines études. Certains évaluent à presque 650000 le nombre de bipolaires en France.
- Prévalence du trouble bipolaire type I: 0.6%
- Prévalence du trouble bipolaire type II: 0.4%
- Fréquence du trouble bipolaire non spécifié: 1.4%
Le sex-ratio est de 1. De plus, les chiffres sont similaires aux USA, en Asie et en Europe.
Généralement, les troubles débutent entre 15 et 25 ans mais la latence au diagnostic est longue: 8 ans en moyenne.
Il s’agit de la 6e cause de handicap selon l’OMS. Le trouble bipolaire réduit l’espérance de vie de 10 ans en moyenne par rapport à la population générale. Du reste, 20% des patients souffrant de trouble bipolaire non traité décèdent par suicide. Par ailleurs, on observe des comorbidités importantes, notamment, addictions et troubles du comportement alimentaire.
Un épisode dépressif caractérisé survenant avant 25 ans avec hypersomnie et prise de poids est un facteur de risque de trouble bipolaire.
IV/ Diagnostic différentiel
On observe des difficultés à différencier:
- le trouble bipolaire II et le trouble borderline. Dans le trouble borderline, on observe une labilité de l’humeur bien plus rapide, variant d’une heure à l’autre. De plus, le facteur déclenchant est généralement interpersonnel.
- schizophrénie dans le cas où il existe des éléments délirants.
- trouble induit par des substances (cocaïne).
- maladies physiques.
V/ Traitement du trouble bipolaire
. Comment traiter le trouble bipolaire? Le traitement associe:
- Traitement médicamenteux par thymorégulateur ou régulateur de l’humeur (divalproate de sodium (Depakote(r)), lithium (Teralithe (r)), olanzapine (Zyprexa(r)), aripiprazole (Abilify(r), quétiapine…) qui sera le traitement de fond. L’efficacité du traitement est à évaluer 4 à 6 semaines plus tard.
- Traitement psychothérapique, dont l’objectif est à la fois de permettre l’éducation thérapeutique, mais aussi d’amener la personne à être capable de détecter précocement les premiers signes d’un épisode thymique afin qu’elle puisse se positionner et enrayer une évolution vers une éventuelle rechute. Les thérapies comportementales et cognitives ont prouvé leur efficacité dans la bipolarité. De même les thérapies inter personnelles, (1-3) en particulier avec aménagement des rythmes sociaux (TIPARS ou IPSRT), ont prouvé une efficacité dans la prévention des rechutes typiques maniaques ou dépressives. Steardo (1) propose même un efficacité de la TIPARS en l’absence de thymorégulateur.
- Education thérapeutique. Il sera ainsi nécessaire d’éviter les stresseurs. Les excès de café tabac et de thé sont à proscrire. De plus, il est souhaitable d’adopter un rythme de sommeil régulier.
Traitement médicamenteux
En première intention, il est possible de prescrire:
- Un thymorégulateur (lithium ou anticonvulsivant).
- Un antipsychotique atypique (APA).
- Une association thymorégulateur / APA.
Le traitement visera à obtenir une rémission de la maladie avec le moins d’épisodes possibles.
VI/ Difficultés classiques du traitement des troubles bipolaires
A/ Difficultés diagnostiques
Le trouble est souvent sous-diagnostiqué. Erreur de diagnostic: 30 à 69%. De ce fait, on observe un retard de diagnostic de 8 à 10 ans. Par conséquent, le risque de complications est plus élevé, ainsi que de survenue de comorbidité. De plus, les symptômes arrivent avant l’âge de 20 ans dans 40% des cas, ce qui entraîne des difficultés diagnostiques car confusion avec la labilité thymique liée à l’adolescence.
On citera également:
– le retard au diagnostic, dû au fait que les patients ne réalisent pas forcément l’existence des symptômes, en particulier dans les formes ne présentant aucun épisode dépressif, mais aussi au fait que la bipolarité est parfois sous-diagnostiquée.
– les effets de masquage: certaines formes de trouble bipolaire se présentent sous un aspect de TOCs, trouble du comportement alimentaire (TCA: anorexie, boulimie)… créant une confusion qui peut amener à un diagnostic erroné.
B/ Difficultés dans la prise en charge
Un grand nombre de cas de troubles bipolaires vont être sensibles au traitement… pourvu que le traitement tant psychothérapique que médicamenteux (thymorégulateur ou régulateur de l’humeur), soit bien administré. Or l’observance du traitement est le point le plus difficile dans les troubles bipolaires. Il y a plusieurs raisons à cela:
– la réticence des personnes à accepter le diagnostic: généralement, comme elle s’est toujours connue comme cela, la personne bipolaire a du mal à percevoir ses propres écarts d’humeur qui lui semblent être la norme. Elle met ces éléments sur le compte de sa personnalité, les revendique comme faisant partie intégrante de ce qu’elle est. Elle réalise toutefois l’existence des épisodes dépressifs mais espère de façon irréaliste que cela va se régler sans traitement, spontanément. Rappelons qu’il ne s’agit en aucun cas de mauvaise volonté de la part de la personne. Cet aspect, appelé déni, fait partie intégrante de la maladie. Le traitement psychothérapique va donc toujours s’appliquer à faire reconnaître au patient les difficultés, lui montrant que sa vie sera encore meilleure sans ces variations.
– le deuil des épisodes hypomaniaques et maniaques: les personnes bipolaires gardent des souvenirs agréables de ces moments d’excitation et d’activité où ils avaient des grands projets. Il leur est très difficile d’en faire le deuil et ont l’impression de ne plus avoir de ressenti, alors que simplement ils ont des ressentis d’une intensité normale mais inhabituelle pour eux.
– les troubles addictifs qui coexistent souvent avec le trouble bipolaire. L’observance du traitement est naturellement plus dure dans ce cas.
– On observe de plus une fréquente banalisation des symptômes. Le patient et la famille considèrent souvent les variations de l’humeur comme parfaitement normales. Cette position contribue à retarder le diagnostic et donc le traitement.
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VII/ Causes
Au niveau biologique, la trouble bipolaire trouve son origine dans la perturbation de neurotransmetteurs tels que la dopamine, la sérotonine ou le glutamate, sans que cette liste ne soit exhaustive.
La susceptibilité génétique est importante: elle contribue pour 60% à l’apparition du trouble bipolaire. Ainsi, on retrouve des antécédents familiaux dans de nombreux cas.
Les événements de vie traumatisants, quelle qu’en soit la nature notamment dans l’enfance, joue un rôle important dans la genèse des troubles bipolaires. Les stress et anxiété mineurs entraînent aussi un risque d’apparition de bipolarité chez des personnes prédisposées.
La prise de toxiques, cannabis et alcool, notamment à l’adolescence, est fortement corrélée à l’apparition d’un trouble bipolaire.
Enfin, le sommeil irrégulier particulièrement à l’adolescence et susceptible de bouleverser la biologie du rythme jour/nuit, semble également jouer un rôle dans l’apparition de la bipolarité.
VIII/ Complications
- Suicide
- complications sociales
- difficultés professionnelles
En moyenne, les patients bipolaires perdent 10 ans d’espérance de vie en moyenne.
Venir au cabinet
9 rue Troyon, Paris; tél: 0609727094
- Métro: Station Charles de Gaulle Etoile (ligne 6 depuis Paris 7-14-15-16; ligne 2 depuis Paris 17; ligne 1 depuis Paris 1-2-8, Neuilly sur Seine, La Défense, Nanterre)
- RER: Station Charles de Gaulle Etoile (RER A depuis La Défense, Nanterre, Paris 8, Paris 1-4-11, Rueil, Maisons Laffitte, Le Vésinet etc…)
- Bus: Station Charles de Gaulle Etoile (lignes 22-30-52 depuis Paris 75016; ligne 92 depuis Paris 75007, 75014, 75015; lignes 30-31-92-93 depuis Paris 75017; ligne 73 depuis Neuilly sur Seine; lignes 22-52-73 depuis Paris 8; ligne 92 depuis Levallois)
Fait à Paris par un psychiatre avec le concours d’un psychologue
Bibliographie
(1) Steardo, L., Luciano, M., Sampogna, G., Zinno, F., Saviano, P., Staltari, F., Garcia, C. S., de Fazio, P., & Fiorillo, A. (2020). Efficacy of the interpersonal and social rhythm therapy (IPSRT) in patients with bipolar disorder : Results from a real-world, controlled trial. Annals of General Psychiatry, 19(1). https://doi.org/10.1186/s12991-020-00266-7
(2) Crowe, Social rhythm interventions for bipolar disorder: a systematic review and rationale for practice, 2015
(3) Swartz, Psychotherapy Alone and Combined With Medication as Treatments for Bipolar II Depression: A Randomized Controlled Trial
Auteur
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