La santé au travail, et en particulier la santé psychique, a connu un net regain d’intérêt ces derniers mois. Plusieurs éléments peuvent être avancés. Tout d’abord, il faut distinguer la souffrance psychique infligée dans le cadre du travail de façon totalement illégale, et celle qui existe sans infraction caractérisée à la loi.

Dans le cas d’une infraction à la loi, comme par exemple dans le cadre d’un harcèlement sexuel ou moral, il est URGENT de porter plainte devant qui de droit. Des associations d’aide aux victimes existent, comme par exemple l’Association de Victimes de Harcèlement au Travail AVHT. Si vous voulez simplement vous renseigner, consulter le site: https://www.inrs.fr.

1/ Mais dans le cas le plus fréquent, le travailleur est en souffrance sans qu’aucune infraction n’ait été commise contre lui. Généralement, c’est la conjonction d’un grand nombre de facteurs, qui génère cette souffrance. On distingue classiquement, 6 catégories de facteurs:

  • liés à la tâche ou la nature même du travail à effectuer
    • le manque d’intérêt, de motivation pour le métier exercé
    • le caractère routinier, ou protocolisé, sans initiative possible, du travail
    • le manque de sens, de raison d’être, dans les tâches accomplies
    • l’excès de responsabilité inhérente aux fonctions
  • liés à l’organisation du travail
    • la dévalorisation du travail effectué
    • le surmenage, le burn out (burnout)
    • l’impossibilité de faire un break complet, du fait de la nature de certains postes, ce qui à la longue est délétère pour l’organisme
    • la vitesse, la réactivité exigée pour certains postes, au détriment de la réflexion
  • liés aux relations interpersonnelles de travail
    • le manque de reconnaissance ou d’estime pour le travail accompli, source d’amertume et d’aigreur. Cette impression peut exister même dans le cas d’une rémunération importante
    • le sentiment d’injustice, très fréquent, qui peut exister vis-à-vis de collègues qu’on perçoit mieux appréciés
    • la difficulté à s’imposer, s’opposer, ou faire valoir son bon droit
  • liés à l’environnement physique et technique
  • liés à l’évolution sociologique, contexte global extérieur à l’entreprise
  • liés à l’environnement macro-économique de l’entreprise
    • l’angoisse du licenciement, permanente, donc l’angoisse pour l’avenir
    • la compétition exagérée entre collègues

2/ Deux points de cette liste nous semblent particulièrement éloquents:

  • Tout d’abord, il s’agit de  l’inadéquation entre la qualité ressentie du travail fourni par le patient et la reconnaissance ressentie dans son travail. En d’autres termes: un patient qui a le sentiment justifié ou non, de remplir son rôle avec un talent, mais qui a l’impression que la reconnaissance qu’il en retire n’est pas au niveau de ce talent, va commencer à souffrir au travail. La souffrance va naître à partir de l’instant où, aux yeux du patient, la reconnaissance de l’entreprise pour laquelle il travaille devient déconnectée de ses efforts à lui. Dans ce cas, le patient va courir après une reconnaissance qu’il ne pourra pas atteindre. Cela passera soit par des préoccupations permanentes autour du travail, des récriminations, ou alors par un sur investissement dans le travail, une observation exagérée de ses propres réactions et de celle de son entourage professionnel.
  • Ensuite, la souffrance au travail naît très vite lorsque le travailleur est mis dans une situation d’impuissance imposée, où il se sent brimé et dans l’impossibilité de réagir. Ce qui est important, ce n’est pas la savoir si la brimade est justifiée ou non, c’est le fait que le patient ait l’impression de ne pas pouvoir se défendre. Il se retrouve alors dans une situation dépressiogène. Ce modèle se rapproche du modèle de l’impuissance apprise de Seligman sur la dépression.

Cette liste ne prétend pas être exhaustive… Il est important de noter que ce qui compte, ce n’est pas le caractère objectivement fondé ou non de l’impression de la personne qui souffre, mais son ressenti personnel.

La souffrance au travail est génératrice d’un nombre étonnamment élevé de problèmes psychiques qui, dans certains cas, peuvent se compliquer d’authentiques troubles anxieux ou de dépressions.

Bien entendu, le travail seul ne peut être systématiquement mis en cause. Il est bien évident que le contexte familial, la fragilité de la personne sont des éléments qui influenceront l’effet des facteurs négatifs liés au travail. Ce qui est important, c’est de se rappeler que beaucoup des facteurs liés au travail peuvent être améliorés.

Si vous vous reconnaissez dans l’un ou l’autre de ces facteurs, que faire?

Encore une fois, nous pensons que bien des souffrances pourraient être évitées pour peu qu’une prise en charge adaptée ait lieu à temps.

Plusieurs solutions s’offrent à vous. Tout d’abord, vous pouvez en parler à votre médecin du travail, votre médecin généraliste ou un professionnel de santé mentale (psychiatre-psychothérapeute, psychologue). Celui-ci pourra vous aider à évaluer la situation, et au besoin, vous aider à faire les changements nécessaires pour mieux vivre. Notons que le plupart des situations peuvent être solutionnées sans pour autant recourir à un changement professionnel.

Si la démarche vers un professionnel est difficile, dans un premier temps, vous pouvez vous en ouvrir à votre entourage. Le plus important est de ne jamais garder votre souffrance pour vous seul.

Un conseil important: il est très difficile de faire la part des choses entre ce qui est imputable au contexte professionnel et ce qui est dû à la vie privée. Tenter de le faire par soi-même est douloureux et très souvent improductif. Ne restez pas seul.