Comment expliquer les attentats de 2015 à des enfants ou des adolescents ?

Rédacteur: Dr Nicolas Neveux, Psychiatre à Paris, formé en Thérapie Cognitive et Comportementale (AFTCC) et en Thérapie Interpersonnelle (IFTIP), Membre du Collège National Professionnel de Psychiatrie, mail: dr.neveux@gmail.com
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Sources: Pratiquer la Thérapie Interpersonnelle (TIP) , Dunod; Manuel de thérapie comportementale et cognitive, Dunod

Beaucoup d’entre nous doivent être actuellement confrontés à ce dilemme: dire ou ne pas dire? Lorsque l’on s’adresse à des enfants, il y a 3 difficultés centrales:

  1. éviter de leur dire des choses trop violentes
  2. éviter de leur donner l’illusion d’un monde irréel, édulcoré
  3. adapter son langage au niveau de compréhension des enfants.

Les suggestions qui suivent s’entendent pour des enfants n’ayant pas vécu les attentats de visu et n’ayant pas perdu un proche. Si l’enfant est dans l’un de ces cas, il est essentiel de consulter une cellule d’urgence médico-psychologique ou un psychiatre.

 

I/ Expliquer les attentats sans dire des choses trop violentes

Il est essentiel de se rappeler que le psychisme d’un enfant n’est pas en mesure d’assimiler et de digérer les mêmes choses que nous, car leur maturité n’est pas la même. Ils ressentent les émotions avec davantage d’intensité, moins de recul, et ne sont capables ni de se distancier, ni de rationaliser. Donc ils sont encore plus vulnérables lorsque nous mêmes sommes dépassés.

Cela veut dire utiliser des mots simples mais suffisamment flous pour que l’enfant ne se représente pas complètement la réalité si elle est trop dure à accepter. Ainsi, il est inutile d’expliquer aux enfants des détails sordides de la tuerie. Cela n’apporte rien.

De même l’objectif est de ne pas laisser trop travailler imagination de l’enfant qui va avoir tendance à lui faire penser aux pires choses. Il faut lui donner des informations qui vont lui permettre de se représenter qu’il y a eu de la violence et le méchanceté, mais pas forcément la scène dans toute son horreur.

Ainsi, il est préférable de ne pas le laisser accéder aux images télévisées ou de témoins, car l’enfant ne va pas être en mesure de les comprendre ni de les mettre à distance. Il est bien sûr impossible de les leur épargner, toutefois, il est possible de limiter les choses en évitant par exemple de laisser tourner les informations en continu en leur présence.

 

II/ Expliquer les attentats sans donner l’illusion d’un monde édulcoré

L’enfant perçoit l’inquiétude de ses parents. Nier cette émotion consiste à donner comme message à l’enfant qu’on n’a pas le droit d’avoir des émotions, ou qu’on lui ment, alors qu’au contraire, c’est un gage de valeur humaine que de ressentir des émotions dans de telles circonstances. L’enfant a besoin de savoir que si ses parents sont inquiets, c’est pour de bonnes raisons. Cela montre que ce ne sont que pour des raisons graves que les parents peuvent être touchés.

Nommer les choses

« Il s’est passé des choses graves »

« Des gens très méchants ont fait du mal à d’autres gens »

Si l’enfant est en âge de comprendre la notion de mort, on peut lui dire que « des gens ont tué d’autres gens »

Par contre, il est essentiel de systématiquement coupler les informations anxiogènes avec des solutions, afin de ne pas laisser l’enfant avec l’impression d’être dans l’impuissance.

« Il y a des gens méchants… mais papa et maman sont là pour te protéger »

« Ils ont fait des bêtises graves… mais la police les a rendus inoffensifs ou est en train de les chercher »

« Il y a des gens qui font ça parce qu’ils sont très très bêtes… mais il y a aussi de nombreuses personnes qui nous aiment, dans plein de pays » et on peut même montrer des images des différents monuments du monde aux couleurs de la France.

« C’est grave mais tous le monde va se battre pour que ça n’arrive plus »

L’idée est d’éviter de laisser l’enfant dans l’impuissance, et de lui montrer qu’on agit pour réparer les conséquences, et éviter que cela se reproduise.

Enfant, il est essentiel de lui rappeler des repères essentiels: qu’on l’aime, qu’on est là pour le protéger, qu’il peut avoir confiance en nous, que ces valeurs n’ont pas été touchées par ces attentats.

 

III/ Adapter son langage au niveau de compréhension des enfants

Il faut tenir compte de l’âge et de la maturité de vos enfants. Le langage et la réflexion sont un un secours dont les adultes disposent pour mettre à distance les émotions, mais les enfants les ont moins naturellement.

L’emphase ne sert à rien. Les mots compliqués comme horreur, épouvante, indicible, terrorisme, odieux… ne sont pas compris par les enfants en bas âge.

Il est toujours souhaitable de tenter une explication quel que soit l’âge de l’enfant car l’enfant va immanquablement s’interroger sur le pourquoi. Le degré de profondeur de la réponse sera aménagé à l’âge:

  • « parce qu’ils ne nous aiment pas »
  • « ils ne nous aiment pas parce que nous ne pensons pas comme eux »
  • « ils nous détestent pas parce leur religion est différente »
  • « Le problème est qu’ils veulent imposer leur religion »

Même si les réponses vous sembles simplistes, factices ou tronquées, ce qui compte n’est pas l’exactitude, car c’est déjà extrêmement complexe à appréhender pour un adulte, alors pour un enfant… le but c’est qu’il puisse avoir un début de réponse pour ne pas se retrouve isolé avec un lancinant « pourquoi? »

IV/ Accueillir la parole de l’enfant

Après les explications, il faut accueillir les pleurs, les sanglots, et consoler l’enfant. Il faut répondre aux questions éventuelles qu’il se posera pour essayer de le sortir de l’émotion et lui permettre une rationalisation partielle.

Parfois, il faut accepter que l’enfant n’ait pas forcément de réaction immédiate, et respecter le temps qu’il va peut-être mettre à digérer l’information.

Dans un second temps, quelques heures, quelques jours plus tard, il est souhaitable de l’aider à verbaliser ce qu’il a pu ressentir ou penser. Pour cela, il suffit de lui poser quelques questions anodines: « Comment te sens-tu? As-tu des questions? pensez-tu à ce qu’on avait dit? Est-ce que ça te fait peur? »

Parfois, on cherche des signes indirects: « Dors-tu bien? »

Il convient bien sûr de rester aux aguets dans les semaines qui viennent: un enfant qui va avoir une chute des résultats scolaires, qui va se renfermer ou refuser des se livrer à des activités  sont autant de signes qui doivent faire penser que l’enfant a du mal à gérer les choses. Il y a alors matière à rediscuter avec l’enfant, en montrant que l’on est là, et attentif à lui.

Si les mots ne viennent pas, il est aussi possible de l’aider en lui demandant de dessiner, et de nous montrer ses dessins.

 

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Fait à Paris 16 par un psychiatre et un psychologue.