Boulimie : comment la reconnaître et la traiter ?
La boulimie est une pathologie mentale fréquente appartenant aux troubles du comportement alimentaire. C’est une maladie potentiellement grave. Vous découvrirez ici les signes qui doivent alerter ainsi que son épidémiologie. Cette page fait partie du grand dossier détaillé sur les troubles du comportement alimentaire (TCA). Rendez-vous sur cette autre page si vous souhaitez en savoir plus sur les différents types de TCA: anorexie, binge-eating…
Rédacteur « boulimie »: Dr Nicolas Neveux, Psychiatre à Paris, formé en Thérapie Cognitive et Comportementale (AFTCC) et en Thérapie Interpersonnelle (IFTIP), Membre du Collège National Professionnel de Psychiatrie, mail: dr.neveux@gmail.com
Sources: Pratiquer la Thérapie Interpersonnelle (TIP) , Dunod; Manuel de thérapie comportementale et cognitive; Prendre en charge la dépression avec la thérapie interpersonnelle, Dunod. HAS: Anorexie mentale : prise en charge
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L’essentiel
- Un médecin/psychiatre doit poser le diagnostic de boulimie afin d’organiser la stratégie thérapeutique.
- La prise en charge doit être physique (médecin généraliste) et psychiatrique (psychiatre) du fait des intrications.
- La Thérapie Interpersonnelle (TIP) et la Thérapie cognitive et Comportementale (TCC) sont à privilégier dans cette situation. En effet, elles sont recommandées par la Haute Autorité de Santé, contrairement à d’autres psychothérapies n’ayant pas établi leur efficacité.
- Toujours rechercher l’existence de troubles associés (dépression, troubles anxieux…).
- Un médecin éliminera des vomissements et une hyperphagie liée à des pathologies organiques.
Généralités sur la boulimie (d’après la HAS (1))
La boulimie se caractérise par des crises de boulimie (absorption d’une grande quantité de nourriture dans un temps restreint, associée à un sentiment de perte de contrôle) suivies de comportements compensatoires inappropriés tels que : vomissements provoqués, emploi abusif de laxatifs, diurétiques ou autres médicaments ; jeûne ; exercice physique excessif. Les personnes souffrant de boulimie ont généralement un IMC normal en raison des comportements compensatoires.
Fréquence de la boulimie
D’après la DREES 2022 (2), des comportements boulimiques sont déclarés par 4 % des 16 ans ou plus. Cette proportion varie énormément selon les âges et le sexe. Ainsi, près de 8 % des femmes de 16 à 24 ans déclarent des comportements boulimiques. A l’inverse, cela ne concerne que 1 % des personnes de 65 ans ou plus.
La boulimie touche majoritairement les femmes (90 % des cas) et débute souvent à l’adolescence ou au début de l’âge adulte. Sa prévalence est estimée entre 1 et 3 % de la population générale. Ce trouble est souvent sous-diagnostiqué, en partie en raison du secret qui entoure les comportements boulimiques. De nombreux patients consultent tardivement, après des années de souffrance silencieuse.
Complications de la boulimie
D’après la Haute Autorité de Santé, on peut redouter:
- Complications osseuses
- Complications gastro-entérologiques (autres que celles liées aux conduites de purge)
- Complications métaboliques et risque cardio-vasculaire liés à la surcharge pondérale
- Carences en micronutriments (vitamines et éléments traces) et conséquences
- Complications gynéco-obstétricales : impact sur la fertilité, la grossesse et le post-partum
Critères DSM V (3)
La boulimie est un trouble du comportement alimentaire caractérisé par des crises de boulimie suivies de comportements compensatoires inappropriés visant à empêcher la prise de poids. En outre, l’auto-évaluation des personnes atteintes de boulimie est excessivement influencée par le poids et la forme du corps. La principale modification des critères de diagnostic de la boulimie consiste à réduire le seuil de fréquence des crises de boulimie de deux fois par semaine dans le DSM-IV à une fois par semaine dans le DSM-5. Parmi les autres différences, le DSM-IV fait la différence entre le type purge et le type non purge (le DSM-5 ne le fait pas) et le DSM-5 spécifie des critères de rémission partielle, de rémission complète et de sévérité, alors que le DSM-IV ne le fait pas.
Critères diagnostiques de la boulimie (DSM-5)
A. Épisodes récurrents de frénésie alimentaire, caractérisés à la fois par :
1. L’ingestion, au cours de toute période de 2 heures, d’une quantité de nourriture qui est définitivement plus importante que ce que la plupart des individus mangeraient au cours d’une période de temps similaire dans des circonstances similaires.
2. Le sentiment de ne pas pouvoir s’arrêter de manger ou de ne pas pouvoir contrôler ce que l’on mange ou la quantité que l’on mange
B. Des comportements compensatoires inappropriés récurrents afin d’empêcher la prise de poids, tels que les vomissements auto-induits ; l’utilisation abusive de laxatifs, de diurétiques ou d’autres médicaments ; le jeûne ou l’exercice excessif.
C. La frénésie alimentaire et les comportements compensatoires inappropriés se produisent, en moyenne, au moins une fois par semaine pendant 3 mois.
D. L’auto-évaluation est injustifiable influencée par la forme et le poids du corps.
E. La perturbation ne se produit pas exclusivement pendant les épisodes d’anorexie mentale.
Spécifiez si
- Rémission partielle : Après que les critères complets ont été précédemment satisfaits, certains mais pas tous les critères ont été satisfaits pendant une période de temps soutenue.
- Rémission complète : Après que les critères complets aient été précédemment remplis, aucun des critères n’a été rempli pendant une période de temps soutenue.
Sévérité actuelle
- Légère : Une moyenne de 1 à 3 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine.
- Modérée : Une moyenne de 4 à 7 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine.
- Sévère : Une moyenne de 8 à 13 épisodes de comportements compensatoires inappropriés par semaine.
- Extrême : Une moyenne de 14 épisodes ou plus de comportements compensatoires inappropriés par semaine.
Boulimie : signes la faisant suspecter
Symptômes comportementaux
- Crises d’hyperphagie : La personne consomme une grande quantité de nourriture dans un laps de temps court, souvent en cachette. Par exemple, Léa, 24 ans, rapporte manger plusieurs paquets de biscuits, une pizza entière et des glaces en moins d’une heure, sans pouvoir s’arrêter, malgré l’absence de faim.
- Sentiment de perte de contrôle : Pendant la crise, l’individu a l’impression qu’il ne peut ni ralentir ni arrêter de manger, même s’il se sent mal physiquement.
- Comportements compensatoires : Peu après la crise, un profond malaise s’installe, menant à des vomissements provoqués, à l’usage abusif de laxatifs ou à des périodes de jeûne. Par exemple, Marc, 19 ans, explique qu’après une crise, il se force à vomir puis fait deux heures de sport intensif pour se « purifier ».
- Préoccupation excessive du poids et de la silhouette : Une obsession constante du corps, de la balance, ou de l’apparence physique domine la pensée de la personne. Cela peut se traduire par des pesées multiples par jour, des régimes drastiques ou l’évitement des miroirs.
- Ritualisation des prises alimentaires : Certaines personnes développent des rituels précis avant ou pendant les crises, comme éteindre la lumière, s’isoler, acheter des aliments spécifiques.
Les personnes concernées peuvent avoir un poids normal, ce qui rend parfois le trouble difficile à détecter par l’entourage ou les professionnels de santé.
Perturbation du regard sur son corps
Ces éléments sont naturellement doublés d’une préoccupation majeure pour la silhouette, le poids, les régimes, ou certaines parties du corps.
Signes indirects
Les vomissements peuvent aussi révéler la boulimie. Comme ils ont lieu en cachette, on les détectera de façon indirecte: traces dans les toilettes, odeur de bile.
Signes émotionnels
La personne boulimique ressent une honte importante, le plus souvent après la crise de boulimie.
Signes physiques
L’examen clinique retrouve:
- bradycardie, voire troubles du rythme cardiaque en cas de perturbations hydro-électrolytiques (hypokaliémie, notamment)
- variations pondérales rapides sans cause organique retrouvée
- surpoids ou obésité d’évolution défavorable inexpliquée lors d’une prise en charge
- perturbations des menstruations, aménorrhée, troubles de la fertilité
- plaintes liées à des symptômes gastro-intestinaux inexpliqués
- reflux gastro-intestinaux
- douleurs gastriques
- troubles du transit
- haleine fétide
- hypokaliémie
- pathologies dentaires inexpliqués (érosion dentaire+++)
- Augmentation de taille des parotides
Terrain
Les pathologies impliquant un contrôle alimentaire important (diabète de type 2, allergies, pathologies rénales, maladie coeliaque, etc.) augmentent le risque de boulimie.
Traitements de la boulimie
Cette maladie peut avoir des conséquences physiques graves. On observe ainsi des troubles métaboliques, des complications hydro-électrolytiques… Elle peut aussi être confondue avec une hyperphagie engendrée par des pathologies endocriniennes. Pour toutes ces raisons, il est indispensable que la prise en charge soit coordonnée par un psychiatre en association avec un médecin généraliste.
Le traitement repose sur une approche pluridisciplinaire, qui doit être adaptée au profil de chaque patient.
Psychothérapies
Approches ayant démontré leur efficacité
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- Thérapie cognitivo-comportementale (TCC) : Elle vise à identifier et restructurer les pensées dysfonctionnelles liées à l’alimentation, au corps et à la valeur personnelle. Un exemple de restructuration serait de transformer une pensée du type « j’ai mangé un gâteau, je suis nul(le) » en « manger un gâteau ne fait pas de moi une mauvaise personne ».
- Thérapie interpersonnelle (TIP) : axée sur l’amélioration des relations sociales et la gestion des conflits émotionnels. Sont action n’est pas centrée sur la nourriture, mais sur les facteurs clés de la boulimie: les relations interpersonnelles. En effet, les dysfonctionnements interpersonnels s’avèrent constants dans la boulimie. Ils sont généralement déclencheurs ou facteurs d’entretien de la pathologie
Un article de Miniati (2) de 2018 concluait à leur sujet:
- En monothérapie dans la boulimie, la TIP avait à court terme, des résultats inférieurs à ceux de la TCC, mais chez les patients boulimiques en rémission avec une TIP, la rémission est plus longue.
- La TIP et la TCC, montrent toutes deux une efficacité à moyen / long terme chez les patients atteints de boulimie.
- La TCC a entraîné des changements rapides dans la phase aiguë. La TIP conduit à des améliorations plus tardives, mais se maintenant davantage à long terme.
- L’abstinence de l’hyperphagie avec la TIP est stable et maintenue (ou encore améliorée) à long terme.
En conclusion, Miniati soulignait l’utilité de la TCC et la TIP en termes d’efficacité.
Autres approches
Celles-ci n’ont pas démontré leur efficacité, et jouent le rôle d’appoint éventuel aux thérapies efficaces, mais ne s’utilisent pas seules.
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- Thérapie basée sur la pleine conscience (MBCT) : aide à réguler les émotions et les impulsions sans jugement.
Médicaments
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- Antidépresseurs ISRS comme la fluoxétine (Prozac) peuvent diminuer la fréquence des crises, indépendamment de la présence d’un trouble dépressif.
- En cas de troubles anxieux comorbides, un traitement spécifique peut être envisagé.
Prise en charge diététique et médicale
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- Consultation diététique : restauration d’une alimentation régulière, éducation nutritionnelle, accompagnement progressif vers une relation apaisée à la nourriture.
- Suivi médical : correction des déséquilibres électrolytiques, surveillance cardiaque, soins dentaires.
- Accompagnement psychiatrique : essentiel en cas de comorbidité ou de forme sévère.
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9 rue Troyon, Paris; tél: 0609727094
- Métro: Station Charles de Gaulle Etoile (ligne 6 depuis Paris 7-14-15-16; ligne 2 depuis Paris 17; ligne 1 depuis Paris 1-2-8, Neuilly sur Seine, La Défense, Nanterre).
- RER: Station Charles de Gaulle Etoile (RER A depuis La Défense, Nanterre, Paris 8, Paris 1-4-11, Rueil, Maisons Laffitte, Le Vésinet etc…).
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Fait à Paris 16 par un psychiatre et un psychologue.
Bibliographie
(1) Recommandations de la HAS : Boulimie et hyperphagie boulimique : prise en charge
(2) DREES. (2022). Santé mentale : une amélioration chez les jeunes en juillet 2021 par rapport à 2020 mais des inégalités sociales persistantes – Rapport 2022 – DREES
(3) DSM5 : critères diagnostiques
Auteur
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