Trichotillomanie: savoir la reconnaître et la soigner

Vous voulez en savoir plus sur la trichotillomanie? Vous êtes sur la bonne page! Vous trouverez ici toutes les informations nécessaires pour identifier et savoir réagir face à la trichotillomanie.

Rédacteur « trichotillomanie »: Dr Nicolas Neveux, Psychiatre à Paris, formé en Thérapie Cognitive et Comportementale (AFTCC) et en Thérapie Interpersonnelle (IFTIP), mail: dr.neveux@gmail.com

Sources: Pratiquer la Thérapie Interpersonnelle (TIP) , Dunod; Prendre en charge la dépression avec la thérapie interpersonnelle, Dunod.

L’essentiel:

    • La trichotillomanie peut être un symptôme de pathologies graves (troubles anxieux, dépression…).
    • Un médecin/psychiatre doit faire le diagnostic et coordonner la prise en charge.
    • La TCC est le traitement indiqué en première intention.

trichotillomanie tcc

Épidémiologie de la trichotillomanie chez l’enfant et l’adolescent

La trichotillomanie, ou trouble du comportement consistant à arracher ses cheveux ou poils, débute majoritairement pendant l’enfance ou l’adolescence, avec un âge moyen de début entre 9 et 13 ans, souvent autour de 12–13 ans. Dans une cohorte suédoise nationale de 1 234 individus diagnostiqués entre 1997 et 2020, l’âge médian au premier diagnostic était de 25 ans (IQR 16–35), mais les symptômes étaient bien souvent apparus plus tôt.

La prévalence à vie est estimée entre 0,6 % et 2 % dans la population générale, et jusqu’à 3,5 % des femmes ; 1,5 % des hommes aux États‑Unis. Parmi les jeunes adultes et étudiants, certains travaux rapportent des comportements de tirage moins sévères chez 3 à 15 %.

On observe une prépondérance féminine, avec un ratio femmes/hommes allant de 3 :1 à 10 :1 dans les études cliniques. Ce biais peut être accentué par la sous‑déclaration chez les hommes.

Exemple clinique : Alice, 11 ans, tire ses cheveux du cuir chevelu plusieurs fois par jour, surtout en période de stress scolaire. Ses parents remarquent des zones clairsemées, ce comportement ayant débuté vers 10 ans.

Symptomatologie et psychopathologie associée

Formes de tirage : automatique versus focalisé

On distingue deux styles majeurs : le tirage automatique, non conscient, fréquent chez les enfants ; et le tirage focalisé, associé à une tension émotionnelle préalable et à un soulagement après l’acte, plus fréquent chez les adolescents ou adultes. Un enfant de moins de 10 ans peut ne pas reconnaître qu’il tire ses cheveux, ce qui peut expliquer l’apparente « limite normale » dans certains très jeunes enfants.

Sensations émotionnelles et anxiété

Le comportement s’accompagne souvent d’une tension interne ressentie avant le tirage et d’un soulagement ou gratification après. L’anxiété est un facteur déclencheur classique : fatigue, stress scolaire, ennui ou inquiétude. Chez les enfants, l’anxiété est fréquemment liée à la peur de la découverte des zones d’alopécie par les pairs, engendrant honte ou retrait social.

Sites fréquents et complications physiques

Les zones les plus touchées sont le cuir chevelu, sourcils, cils, puis parfois barbe, zones pubiennes, membres, selon l’âge et le style de tirage. Dans environ 20 % des cas, la personne ingère ou mâche les cheveux tirés (trichophagie), ce qui expose à des bézoards digestifs, constipation ou occlusion nécessitant parfois une intervention chirurgicale.

Exemple clinique : Léa, adolescente de 15 ans, consomme parfois les cheveux qu’elle arrache. Elle présente des douleurs abdominales, un transit perturbé, et un scanner révèle une masse trichobezoaire.

Psychopathologie

En TCC, on modélise la trichotillomanie comme une façon pathologique de gérer les émotions. La trichotillomanie s’intègre comme le seul recours face à la souffrance émotionnelle. Mais le problème à l’origine de l’émotion n’est pas traité, et le patient apprend que la seule façon de se débarrasser de l’émotion c’est la trichotillomanie.

Diagnostics différentiels et comorbidités

Comorbidités psychiatriques fréquentes

Chez les jeunes, les troubles anxieux et dépressifs coexistent souvent. Une étude a montré que chez les jeunes atteints de trichotillomanie, les symptômes d’anxiété et de dépression étaient fréquents et impactaient le fonctionnement scolaire et social. Dans la cohorte suédoise, 65 % avaient un trouble anxieux, 48 % un trouble dépressif, et 39 % un trouble neurodéveloppemental (TDAH, troubles du spectre autistique, tics).

L’anxiété comorbide aggrave la sévérité du tirage et rend le comportement plus résistant au traitement classique. D’autres comorbidités incluent les troubles des conduites alimentaires, les troubles de personnalité à l’âge adulte, ou les abus de substances.

A ce titre, la trichotillomanie est très souvent corrélée à l’hypersensibilité émotionnelle.

Diagnostics différentiels

Il faut distinguer la trichotillomanie d’autres causes d’alopécie : alopécie areata, alopécie de traction, trichotillomanie factice, ou trouble dysmorphique corporel. L’anamnèse détaillée, le motif émotionnel, l’examen dermatologique et parfois une biopsie permettent de faire la différence.

Exemple clinique : Paul, 13 ans, présente des plaques de calvitie dorsales. Le dermatologue exclut l’alopécie areata (absence de glandes pilosébacées détruites, poils courts fraîchement rompus) ; l’anamnèse révèle un stress familial et une tension avant le tirage.

Complications et retentissement

La trichotillomanie entraîne diverses complications : lésions de la peau, inflammation, infection secondaire, perte de cheveux visible pouvant affecter l’image de soi. Les impacts psychologiques incluent baisse de l’estime de soi, isolement social, absentéisme scolaire ou professionnel, et retentissement familial, avec conflits liés au secret ou à la tentative de cacher le tirage.

Les cas de trichophagie peuvent provoquer des bézoards et des occlusions digestives, voire nécessiter une intervention chirurgicale.

Exemple clinique : Karim, 17 ans, cache ses zones d’alopécie sous un bonnet. Il présente une grande anxiété sociale, développe un isolement, et sa mère rapporte que le comportement empire lorsqu’il est stressé par un examen.

Traitements et prise en charge

Avant tout il convient de s’assurer que la trichotillomanie n’est pas le symptôme d’une pathologie plus large. Le médecin/psychiatre posera le diagnostic. Le traitement sera le traitement de la cause s’il y en a une. Dans ce cas, il peut s’agir d’une maladie physique ou psychique.

Thérapies comportementales et cognitives (TCC)

Les TCC, et plus précisément la habit reversal training (HRT), sont considérées comme le traitement de première intention.

Le travail essentiel consiste à amener le patient à choisir de vivre son émotion ou d’y répondre d’une façon moins dysfonctionnelle que la trichotillomanie. En effet, les patients trichotillomanes sont pris dans la dictature émotionnelle: il s agissent dans le but immédiat de se débarrasser de l’émotion désagréable à n’importe quel prix. Le travail en TCC consiste à:

– agir de façon préventive, pour que la personne identifie les situations à risque de déclencher la trichotillomanie.

– agir de façon curative, lorsque les envies de faire des actes de trichotillomanie surviennent. Le but est que le patient choisisse de subir l’émotion sans chercher à la supprimer à tous les coups. D’autres actions plus adaptées peuvent être encouragées, mais elles ne sont pas systématiques. Le but ne consiste surtout pas à valider l’idée que l’émotion désagréable soit un chose à fuir. Au contraire, la TCC véhicule l’idée que les émotions sont nécessaires, bénéfiques y compris quand elles sont désagréables. De plus, il est fondamental de revendiquer qu’aucune état émotionnel ne justifie un comportement.

En ce sens, il ne faut surtout pas considérer la pleine conscience ou la relaxation comme des prises en charge TCC valides dans la trichotillomanie. En effet, ces approches amènent le patient à l’idée que l’émotion doit être fuie (pour la relaxation) ou que l’émotion doit être contemplée mais sans forcément agir pour résoudre le problème sous-jacent, (pour la pleine conscience).

Au contraire, le patient doit se rappeler que l’émotion qu’il fuit avec la trichotillomanie cherche à lui indiquer un problème, qu’il faut donc traiter.A ce sujet nous ne pouvons que conseiller la lecture de l’ouvrage l’hypersensibilité chez l’adulte, (éd Mardaga) qui explique comment gérer les débordements émotionnels.

Ces approches sont efficaces chez les enfants comme chez les adolescents, avec un taux de réponse post‑traitement allant jusqu’à 77 %, et maintien à 64 % à six mois.

Médicaments (anxiété et symptômes associés)

Aucun médicament n’a d’autorisation spécifique pour la trichotillomanie, mais des inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (SSRIs) sont fréquemment prescrits lorsque l’anxiété ou la dépression est présente. Autres options envisagées : antidépresseurs tricycliques, modulateurs de dopamine‑sérotonine, anxiolytiques ou sédatifs dans certains cas. Dans la cohorte suédoise, 72 % des patients ont reçu un psychotrope dans l’année qui précède ou suit le diagnostic, dont 58 % d’antidépresseurs, 36 % de sédatifs, 31 % d’anxiolytiques.

Approche globale et soutien familial

Un approche pluridisciplinaire associant médecins généralistes, psychiatres, psychologues, dermatologues et soutien familial ou scolaire est recommandée. Les parents, enseignants et pairs peuvent contribuer à repérer les situations à risque ou les signes de rechute, et soutenir les stratégies d’adaptation.

Des techniques de gestion du stress (respiration diaphragmatique, relaxation progressive, yoga, pleine conscience) peuvent être proposées pour atténuer l’anxiété déclenchante.

Conclusion

La trichotillomanie chez l’enfant et l’adolescent est un trouble du spectre obsessionnel‑compulsif, lié à l’anxiété, à la dépression et à plusieurs autres comorbidités. Elle touche autour de 1 % à 2 % de la population, avec une majorité de cas débutant à l’adolescence, et une prédominance féminine. Le comportement s’articule entre tirage automatique ou focalisé, souvent motivé par un besoin de soulagement émotionnel. Les conséquences incluent détresse psychologique, complications dermatologiques, et parfois des complications digestives graves si la trichophagie est présente.

Le traitement recommandé repose d’abord sur les TCC/HRT, associées à une prise en charge des comorbidités anxieuses ou dépressives. Un soutien familial et scolaire est essentiel. Une approche multidisciplinaire, combinant thérapie, techniques de réduction de l’anxiété et, si besoin, traitement pharmacologique, améliore notablement le pronostic, avec des résultats visibles en quelques mois.

La trichotillomanie et l’anxiété : un duo à surveiller

Le lien entre trichotillomanie et anxiété est central : l’anxiété survient fréquemment avant le tirage, la trichotillomanie apparaît souvent comme un mécanisme de coping, fournissant un soulagement émotionnel immédiat malgré ses effets néfastes à long terme. Ce cycle tension / tirage / soulagement peut devenir un automatisme profondément enraciné.

Comme l’illustre l’étude menée auprès de jeunes adultes étudiants, 62,5 % des personnes présentant une trichotillomanie avaient un trouble anxieux vs 20,2 % chez les non‑trichotillomanes. Cette comorbidité accroît la sévérité des symptômes et rend la prise en charge plus complexe.

 

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Fait à Paris 16 par un psychiatre et un psychologue.

Image par Jerzy


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