Achats inconsidérés / compulsifs
Les achats inconsidérés sont très fréquents. Découvrez les mécanismes qui amènent les achats compulsifs et comment les soigner.
.
L’essentiel:
- Chercher un diagnostic global derrière les achats inconsidérés / compulsifs.
- Certaines maladies psychiques à l’origine d’achats inconsidérés / compulsifs peuvent être graves et entraîner des complications si elles ne sont pas traitées (bipolarité par exemple).
- Le diagnostic doit être posé par un psychiatre afin d’organiser la stratégie thérapeutique (voir sur cette page pour les différences entre psychiatre ou psychologue).
- Les complications peuvent retentir sur la situation sociale du patient.
- La Thérapie Interpersonnelle (TIP) et la Thérapie cognitive et Comportementale (TCC) sont à privilégier dans cette situation.
Ce sujet a des implications en santé mentale, mais ne peut s’analyser sans traiter des déterminants sociétaux qui les favorisent, notamment certaines techniques marketing. Nous identifierons donc, dans la rubrique « mécanismes » certaines des ces techniques, et nous verrons dans la rubrique « traitement », comment s’en prémunir.
Achats inconsidérés : comment les reconnaître ?
Les achats inconsidérés correspondent à des achats:
- incompatibles avec les ressources de l’individu: l’individu dépense des sommes excessives dans des achats superflus, ou ne priorise pas correctement ses dépenses par rapport aux besoins de première nécessité. Il s’agit de la prodigalité.
- inutiles, même s’ils ne mettent pas en danger les finances de l’individu.
- en excès.
- effectués pour gérer une émotion.
- entraînant un préjudice pour le patient, notamment financiers.
- suivis de culpabilité ou de honte (en dehors d’un épisode maniaque).
- marqués par une altération des priorités. La personne n’arrive en effet plus à prioriser les achats essentiels pour sa vie (loyer, nourriture…).
Les achats compulsifs sont faits au cours d’une démarche impulsive, généralement sous le coup de l’émotion.
De plus, ils concernent toujours des achats superflus, mais orientés plaisir. On n’achète pas compulsivement des produits rébarbatifs! Certains achats compulsifs portent sur la nourriture mais sont tout aussi inconsidérés, même si l’impact financier n’est pas forcément au premier plan. Cela se voit notamment dans les troubles du comportement alimentaire (anorexie, boulimie, binge eating) et l’hypersensibilité / hyperémotivité.
Achats inconsidérés : quels mécanismes ?
Les achats compulsifs et inconsidérés ne sont pas uniquement le fait de l’individu. Il sont aussi induits par le fonctionnement de la société occidentale qui est une société de consommation.
A/ Mécanismes en rapport avec le fonctionnement psychique
L’acte d’achat a toujours une fonction. Il peut s’agir de:
- gérer une émotion négative
- chercher à générer une émotion positive dans l’immédiateté
Les personnes présentant des achats compulsifs sont souvent pris par une envie irrésistible d’acheter un objet généralement superflu, mais pourvoyeur de plaisir dans l’immédiat, à court terme. L’achat est induit par l’envie de posséder, en quantité, et pas en qualité, à l’instar de la boulimie ou de l’addiction.
Les déclencheurs sont souvent émotionnels
- colère
- anxiété
- frustration
- ennui
- culpabilité
- ras le bol
- découragement
- contrariété
- manque de plaisir
- dispute, notamment avec le conjoint.
La personne cherche alors à compenser par l’achat, qui apaise l’émotion négative ou crée du plaisir.
Ce genre de fonctionnement, dans l’impulsivité, est très proche de la crise de boulimie ou du binge eating. Les personnes qui font ces achats inconsidérés ou compulsifs sont généralement incapables, sur le coup, de prendre une distance susceptible de leur permettre de porter un jugement critique et raisonnable sur leur comportement. La culpabilité naît généralement après coup. Toutefois, il s’agit généralement d’une culpabilité stérile, qui n’empêchera pas la répétition de ces comportements, voire les favorisera en créant une émotion négative. La personne ne saura pas la gérer autrement que par un nouvel achat compulsif, réalisant alors un véritable cercle vicieux.
Souvent l’entourage se plaint de ces achats, entraînant des tensions familiales ou de couple. Parfois, cela induit un véritable cercle vicieux où l’enjeu interpersonnel et le besoin de liberté prennent une part prépondérante dans le processus d’achats compulsifs ou inconsidérés.
B/ Facteurs sociétaux
La société elle-même tend à favoriser ces comportements. Etant basée sur la croissance et donc sur la consommation, la société favorise ces comportements par des processus insidieux.
Tout ce qui permet de réduire la faculté de discernement de l’individu et sa réflexion sur la pertinence de son achat va favoriser les achats inconsidérés et compulsifs. Le marketing joue beaucoup là-dessus.
Les concepts marketing, qui sont parfaitement instruits des fonctionnements mentaux, jouent des faiblesses intrinsèques pour s’assurer que le client ne sorte pas du « tunnel de vente ». Rappelons qu’en marketing, le principe au contraire, est d’induire l’achat, pas d’aider le consommateur à avoir un achat pertinent. Voici certaines de ces méthodes:
1/ Induire la décision d’achat
- satisfait ou remboursé: cette garantie donnée au client permet de lui donner l’impression que le produit est bon et que sa décision d’achat pourra toujours être annulée. Mais dans la pratique, cet engagement est quasiment sans risque pour le vendeur: la plupart des gens effectuant des achats compulsifs utilisent l’objet immédiatement et ne peuvent pas se faire rembourser… ou simplement vont négliger de faire l’effort de revenir à la boutique se faire rembourser.
- promotion: la sensation de faire une bonne affaire et le plaisir engendré, induit l’acte d’achat, indépendamment de la qualité intrinsèque de l’offre.
- garantie prix le plus bas: cette garantie permet de donner l’impression au client que le produit est vendu au meilleur rapport qualité/prix. Mais dans la pratique, cet engagement est quasiment sans risque pour le vendeur: la plupart des gens, même hors achat compulsif, ne fait pas l’effort de continuer à chercher d’autres enseignes où acheter le produit, donc ne vont pas effectuer la recherche qui permettrait la comparaison de prix. Et quand bien même cette recherche serait effectuée, la garantie ne vaut que sur des produits strictement comparables… y compris sur le plan de la garantie ou du délai d’échange ou de remboursement… ce qui varie grandement d’une enseigne à l’autre, ne permettant donc pas de réaliser la garantie.
- possibilité d’échange et avoirs: cette garantie donnée au client permet de lui donner l’impression que sa décision d’achat pourra toujours être annulée. Mais dans la pratique, cet engagement est quasiment sans risque pour le vendeur: finalement, les sommes ont été acquises, et peu importe quel produit a été vendu.
Toutes ces techniques de force de vente conduisent à faire naître chez le client des pensées automatiques comme « je peux acheter, au pire je pourrai revenir en arrière ».
2/ Réduire le temps de réflexion
- le fait de payer en carte bancaire, au lieu d’espèces, permet d’empêcher l’individu de se rendre compte des sommes qu’il dépense: entre 100 et 1000€, il n’y a qu’un zéro de différence… Mais si vous payez avec des billets de 50€, vous allez tout de suite la voir, cette différence! Si le client mesure comment se traduit en billets, la somme à payer, ce constat risque d’être plus dissuasif pour l’individu. La carte bleue conduit à favoriser les achats inconsidérés en les rendant indolores.
- le fait de payer en carte bancaire, au lieu d’espèces, permet d’accélérer le temps dévolu au paiement, moment clé où l’individu peut réaliser le caractère indu de la dépense. Ce moment critique est raccourci: payer 10€ ou 1000€ est aussi rapide en carte bleue… mais en espèces, cela prend plus de temps donc laisse le temps au client de bien réaliser si cet achat est justifié ou pas.
- le paiement sans contact permet bien sûr d’accélérer le temps dévolu au paiement, moment clé où l’individu peut réaliser le caractère indu de la dépense.
- l’enregistrement des coordonnées bancaires (sites marchands, application de smartphones…) permet aussi d’accélérer le temps dévolu au paiement, évitant que l’individu réaliser le caractère non pertinent de la dépense. Tandis que l’obligation de chercher sa carte bleue, trouver ses codes ou entrer ses coordonnées, permet d’allonger le temps donc de laisser l’individu réaliser le caractère indu de la dépense.
Toutes ces méthodes ont pour effet de faire perdre au consommateur la maîtrise de ses dépenses. Notons que toutes ces méthodes sont parfaitement légales, voire favorisées par la loi française.
3/ Rendre l’argent disponible
Les prêts à la consommation favorisent les achats inconsidérés et compulsifs. La facilité avec laquelle on peut souscrire un prêt à la consommation conduit l’individu à l’illusion qu’il dispose d’un pouvoir d’achat supérieur à ses revenus. Les achats faits par le biais de prêts à la consommation sont de fait inconsidérés puisque au-delà des capacités de financement de l’individu. Le danger est le surendettement.
Achats inconsidérés ou compulsifs : quelles sont les causes ?
A/ Cause à éliminer
Une cause doit tout de suite être envisagée, car c’est une urgence diagnostique et thérapeutique: l’épisode maniaque ou hypomaniaque, que l’on rencontre dans les troubles bipolaires. Ces achats inconsidérés se rencontrent toujours accompagnés d’autres problématiques:
- insomnie, sans fatigue
- euphorie
- excitation
- grands projets
- souvent les achats mettent en péril l’équilibre financier
- familiarité
- hypersexualité
- tendance à parler sans s’arrêter
- impression de fuite des idées
- impression d’invulnérabilité
- mégalomanie
- agitation stérile
Si vous ou un de vos proches présentez ces signes, arrêtez de lire ces lignes et appelez le SAMU au 15 ou rendez-vous aux urgences les plus proches! C’est à prendre très au sérieux.
B/ Causes les plus courantes
- troubles anxieux: ils amènent le patient à une peur de manquer à l’origine de l’action d’achat exagérée.
- troubles du comportement alimentaire
- addictions
- addiction au shopping, oniomanie (qui se traduit par des préoccupations exagérés autour de la notion d’achat, une tristesse et une culpabilité une fois l’achat réalisé)
- troubles de personnalité
- dépendance affective: le patient achète sous l’influence d’un tiers
- hypersensibilité émotionnelle, hyperémotivité
- bipolarité, trouble bipolaire
- dépression
- impulsivité
- phobie sociale ou manque d’affirmation de soi : la personne fait des achats exagérés par incapacité à refuser de dire non au vendeur ou à un tiers l’invitant à effectuer l’achat.
Enfin, beaucoup de gens ne présentent aucune pathologie psychique claire, mais souffrent de leurs achats inconsidérés. Une prise en charge est alors nécessaire.
Achats compulsifs : comment traiter cette tendance ?
Face à des achats inconsidérés, ou compulsifs, mieux vaut chercher de l’aide pour vérifier qu’aucune pathologie se cache derrière ces achats. La conduite à tenir est alors:
A/ En cas de pathologie psychiatrique avérée
Le traitement est celui de la cause psychiatrique, car dans ce cas, les achats compulsifs ou inconsidérés ne sont qu’un symptôme. Une prise en charge psychothérapique est souhaitable, notamment en thérapie interpersonnelle ou en thérapie cognitivo-comportementale.
B/ Dans les autres cas
Pour se sortir des problèmes d’achats compulsifs ou inconsidérés, vous pouvez faire appel à une psychothérapie, mais aussi utiliser les règles simples, que nous vous détaillons ci-dessous.
Il sera toujours indispensable de prendre en charge les conséquences des achats compulsifs. Elles peuvent concerner tant le plan social (si surendettement) que le plan interpersonnel (conflits de couple).
1/ Psychothérapie
Une prise en charge psychothérapique est souhaitable, notamment en thérapie interpersonnelle ou en thérapie cognitivo-comportementale.
La thérapie interpersonnelle cible les dysfonctionnements interpersonnels à l’origine des tensions psychiques de l’individu. Par ailleurs, elle prend en charge les nombreux conflits intrafamiliaux nés des achats compulsifs. En effet, les disputes à ce sujet sont très fréquentes au sein des couples.
Le thérapie cognitivo-comportementale s’intéresse aux schémas qui amènent le patient à accepter des achats déraisonnables. Dans cette optique, le but est d’aider le patient à remettre du rationnel dans son processus d’achat.
Les deux types de psychothérapie visent à aider le patient à gérer son émotion et à traiter les causes de l’émotion.
Pour plus de détails sur ces psychothérapies, nous vous invitons à cliquer sur le lien: thérapie interpersonnelle ou thérapie cognitivo-comportementale.
2/ Règles de vie
Si vous souhaitez venir à bout de vos achats compulsifs ou inconsidérés, par vous-même, nous vous proposons quelques éléments d’autocoaching, qui pourront gratuitement et facilement améliorer vos problèmes. Rappelez-vous le point le plus important: tout ce qui vous permettra de réfléchir à la pertinence de l’achat aide à combattre les achats compulsifs ou inconsidérés. Donc donnez-vous du temps pour réfléchir! Maîtrisez vos dépenses!
Quelques conseils d’autocoaching
- Toujours différer un achat, quel qu’il soit, dès lors qu’il n’est pas de première nécessité. 2 jours est un bon délai.
- Débarrassez-vous de votre carte bleue. Préférez les espèces: vous en emporterez moins et serez plus facilement conscient des sommes que vous dépensez.
- N’achetez jamais sous la pression d’un vendeur: il fait son travail, et s’il le fait bien, il peut vous donner l’impression que vous avez des besoins qui n’en sont pas.
- Méfiez-vous des offres citées plus haut (satisfait ou remboursé, garantie prix le plus bas etc…): partez du principe que si bous achetez, c’est définitif.
- Favoriser toutes les démarches qui vous aiderons à prendre le temps de faire une dépense valable: cherchez des promotions, des codes réductions. Cela vous détournera de votre objectif d’achat et vous permettra de valoriser une démarche d’économie. En plus, le temps que vous consacrerez à chercher une bonne affaire vous permettra aussi de reconsidérer la pertinence de l’achat. Les sites comme Promo-Buzz qui permet d’attendre des promotions sont d’excellentes aides pour les gens qui ont tendance à acheter trop vite.
Mesures préventives
- Quand vous faites du shopping, fixez-vous une somme plafond. Mieux: emmenez-la en espèces et pas de carte bleue: vous ne pourrez pas succomber à la tentation. Faites le tour des magasins et achetez seulement après avoir fait le tour et vous aurez eu le temps de réfléchir. Peu à peu le plaisir de posséder sera remplacé par le plaisir de faire une bonne affaire: acheter moins en quantité, mais mieux en qualité.
- Faites des listes de vos achats et tenez-vous à cette liste, sans rien rajouter.
- Mettez en tête sur vos listes les achats de première nécessité.
- Budgétisez vos revenus en consacrant en premier vos revenus aux dépenses incompressibles: impôts, loyers, électricité, nourriture (oui, oui, on n’est pas fun).
- Consultez vos comptes bancaires.
- Refusez d’être à découvert.
- Interdisez-vous d’emprunter de l’argent à des amis et bannissez les prêts à la consommation sauf cas de force majeure, mais jamais pour des achats consommables ou superflus.
En espérant vous avoir aidé à avancer!
Venir au cabinet à Paris
Dr Neveux Nicolas, 9 rue Troyon, Paris; tél: 0609727094
- Métro: Station Charles de Gaulle Etoile (ligne 6 depuis Paris 7-14-15-16; ligne 2 depuis Paris 17; ligne 1 depuis Paris 1-2-8, Neuilly sur Seine, La Défense, Nanterre).
Fait à Paris 17 par un psychiatre et un psychologue.
Photo by rawpixel et by JJ Ying.
Auteur
Mail : dr.neveux@gmail.com
Tél : 0609727094 (laisser un message)
Au cabinet : 9 rue Troyon 75017 Paris
NB: Pas de consultation par mail ou téléphone. Les messages ne sont pas consultés hors jours et heures ouvrables. En cas d’urgence, contacter le SAMU (15)