Violences verbales dans l’enfance: impact sur l’adulte

Vous voulez en savoir plus sur les conséquences des violences verbales dans l’enfance? Vous êtes sur la bonne page! Vous trouverez ici toutes les informations nécessaires pour gérer les difficultés occasionnées par les violences verbales dans l’enfance.

Rédacteur « violences verbales dans l’enfance »: Dr Nicolas Neveux, Psychiatre à Paris, formé en Thérapie Cognitive et Comportementale (AFTCC) et en Thérapie Interpersonnelle (IFTIP), mail: dr.neveux@gmail.com

Sources: Pratiquer la Thérapie Interpersonnelle (TIP) , Dunod; Prendre en charge la dépression avec la thérapie interpersonnelle, Dunod.

L’essentiel:

    • La violences verbales dans l’enfance peut entraîner des pathologies graves (troubles anxieux, dépression…).
    • Un médecin/psychiatre doit faire le diagnostic et coordonner la prise en charge.
    • La TCC est le traitement indiqué en première intention.

violences verbales enfance

Épidémiologie de la violences verbales chez l’enfant et l’adolescent

La violence verbale subie dans l’enfance — insultes répétées, humiliations, menaces, moqueries systématiques, dénigrement verbal de l’enfant — est malheureusement fréquente et souvent sous-estimée. Les grandes enquêtes récentes montrent que, contrairement à la tendance à la baisse de la maltraitance physique, l’exposition à la violence verbale a tendance à augmenter au fil des générations et concerne une proportion significative des enfants. Ainsi, dans de larges études regroupant plusieurs cohortes, l’exposition à des paroles humiliantes ou menaçantes pendant l’enfance est associée à une augmentation marquée du risque de mauvaise santé mentale à l’âge adulte.

 

Définitions et formes de la violence verbale

Il est important de définir clairement la « violence verbale ». Celle-ci inclut : les insultes et surnoms dévalorisants (par ex. « tu es nul », « tu ne vaux rien »), les humiliations publiques ou privées, les menaces verbales (y compris de rejet), les critiques systématiques et le chantage affectif (menacer de retirer l’affection). À la différence d’une remarque occasionnelle, la violence verbale est répétée, ciblée et délétère pour l’estime de soi de l’enfant. Elle peut provenir de parents, d’autres membres de la famille, d’enseignants, ou de pairs. Par ailleurs, elle s’inscrit parfois dans un contexte de coercition plus large (violence psychologique, négligence affective).

 

Mécanismes biologiques : comment les mots blessent le cerveau

Sur le plan neurobiologique, la violence verbale agit comme un stress toxique. Répétée pendant les périodes critiques du développement, elle perturbe l’architecture cérébrale, la régulation hormonale et les circuits émotionnels. Les mécanismes principaux incluent une activation prolongée de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (axe HPA), des altérations de la connectivité des régions impliquées dans la régulation émotionnelle (amygdale, cortex préfrontal, hippocampe) et des modifications de la matière grise et blanche observées en imagerie. Ces altérations ne sont pas purement théoriques : des études d’imagerie et neuropathologiques montrent des différences de volume et de connectivité chez des adultes ayant subi une maltraitance verbale pendant l’enfance.

Exemple clinique — Julie, 28 ans

Julie consulte pour des attaques de panique et une incapacité à soutenir des responsabilités professionnelles. En anamnèse, elle rapporte que son père la rabaissait constamment (« tu es une déception ») et la menaçait de la chasser du domicile lorsqu’elle ne satisfaisait pas ses attentes scolaires. L’examen montre une hyperréactivité émotionnelle, des ruminations catastrophiques et des difficultés de mémoire de travail — symptômes compatibles avec les traces durables d’un stress verbal chronique pendant l’enfance.

 

Conséquences psychiques à court et long terme

La violence verbale est associée à une large palette de conséquences cliniques. À court terme, chez l’enfant, on observe anxiété, inhibition sociale, troubles du sommeil, difficultés scolaires, troubles du comportement (agressivité ou retrait), et symptômes somatiques fonctionnels (maux de ventre, céphalées). À long terme, l’impact se traduit souvent par :

  • dépressions récurrentes et faible bien-être émotionnel à l’âge adulte ;
  • troubles anxieux chroniques, troubles de la personnalité (notamment traits évitants ou borderline chez certains patients) ;
  • troubles liés au stress (hypervigilance, reviviscence chez certains) ;
  • risque accru de comportements à risque (abus de substances, conduites autodestructrices) ;
  • altérations des relations interpersonnelles (méfiance, difficultés d’attachement, sentiment de honte).

Ces associations ont été mises en évidence dans de larges analyses de population qui montrent que la violence verbale, prise isolément, augmente notablement le risque de malaise psychologique à l’âge adulte — parfois autant, voire davantage que la maltraitance physique.

Exemple clinique — Karim, 42 ans

Karim présente des épisodes dépressifs sévères. Il décrit une enfance où sa mère le rabaissait devant les voisins et dénigrait ses réussites. À l’âge adulte, il endure un sentiment pérenne d’imposture et évite la promotion professionnelle malgré des compétences reconnues, parce qu’il croit ne pas mériter la réussite. Son histoire illustre l’impact durable des paroles humiliantes sur l’estime de soi et la trajectoire professionnelle.

Impact cognitif et apprentissage émotionnel

Outre les troubles émotionnels, la violence verbale influe sur les fonctions exécutives et la mémoire. L’enfant soumis à des critiques constantes apprend à se focaliser sur le danger social et l’erreur plutôt que sur l’exploration et l’apprentissage. En conséquence, des difficultés attentionnelles, une baisse des performances scolaires et une moindre résilience face aux défis cognitifs peuvent apparaître. Les études neurobiologiques suggèrent que ces effets s’expliquent par des altérations de la maturation du cortex préfrontal, siège des fonctions exécutives.

 

Imagerie et preuves neurobiologiques (résumés des connaissances)

Les techniques d’imagerie (IRM structurelle et fonctionnelle, diffusion) ont permis d’identifier des signatures cérébrales associées à l’exposition à la violence verbale : réduction locale de matière grise dans l’hippocampe et le cortex préfrontal, modifications de l’intégrité de la matière blanche (faisceaux associatifs), et réponse amygdalienne exagérée aux stimuli menaçants. Ces données plaident pour un effet biologique concret — pas seulement psychologique — des expériences verbales délétères sur le cerveau en développement.

Exemple clinique — Maria, 35 ans

Maria rapporte des flashbacks émotionnels lorsqu’une personne hausse le ton. Son IRM fonctionnelle, réalisée dans un contexte de recherche, montre une activation exagérée de l’amygdale face à des stimuli sonores forts. Son histoire familiale inclut des reproches quotidiens et des humiliations verbales pendant l’enfance. Ici, la correspondance clinique-imagerie illustre la manière dont la mémoire émotionnelle s’ancre dans des circuits cérébraux précis.

 

Diagnostic différentiel et comorbidités

Il est essentiel de distinguer les séquelles spécifiques d’une violence verbale chronique des autres causes de troubles psychiques. Les cliniciens évaluent attentivement :

  • les antécédents d’autres formes de maltraitance (physique, sexuelle, négligence) ;
  • les troubles neurodéveloppementaux (TDAH, troubles du spectre autistique) qui peuvent coexister ou être confondus ;
  • les facteurs socioéconomiques et les stress actuels ;
  • les vulnérabilités familiales (pathologie psychiatrique parentale, addiction).

Les comorbidités fréquentes incluent la dépression, les troubles anxieux, les troubles de la personnalité et le recours à l’alcool ou aux psychotropes comme stratégies d’automédication. Un bilan complet est donc indispensable pour proposer une prise en charge adaptée.

 

Prise en charge chez l’adulte qui a été victime dans l’enfance

La prise en charge des adultes exposés à la violence verbale dans l’enfance repose sur plusieurs volets complémentaires :

  1. Une évaluation psychiatrique complète — repérage des symptômes actuels, inventaire des comorbidités, évaluation des ressources (réseau social, activités), et repérage des conduites à risque.
  2. Traitement des pathologies causales et des comorbidités.
  3. Thérapies psychothérapeutiques — la littérature et l’expérience clinique plaident pour des approches structurées :

Thérapies efficaces

Thérapie Interpersonnelle (TIP) : la violence verbale a perturbé les relations d’attachement et l’estime de soi. De ce fait, le patient perçoit l’interaction avec l’autre comme dangereuse ou dévalorisante. La TIP va aider le patient à rétablir des relations permettant une bonne estime de soi. Elle va aussi l’aider à rejeter les relations qui le dévalorisent. Enfin, elle permet de rétablir des règles relationnelles où il se prémunit contre les atteintes à son estime de lui. Et plus important, il permet de se rendre compte que les mots parentaux ne sont que des mots, et non pas la vérité. La TIP développe des stratégies relationnelles plus adaptatives.

Thérapies Cognitivo-Comportementales (TCC) : utiles pour travailler les schémas cognitifs négatifs, les croyances d’incompétence et les ruminations. Les TCC incluent des techniques de restructuration cognitive, d’exposition (pour les réactions anxieuses) et d’entraînement aux habiletés sociales.

D’autres thérapies ont une utilité plus limitée:

EMDR : peut être proposée lorsque des souvenirs émotionnellement chargés et des réactions de type stress post-traumatique persistent. Elle traite surtout le traumatisme sous-jacent.

Thérapies centrées sur la compassion et la mentalisation : elles ne traitent pas la cause. Elles visent à diminuer les émotions. Elles sont donc adaptées aux patients pour lesquels la honte et l’auto-critique sont prédominantes (ex. thérapies axées sur la compassion, MBCT pour prévention des rechutes). Utiles mais ne permettent pas de corriger les dysfonctionnements cognitifs et interpersonnels.

Approche médicamenteuse : les antidépresseurs (ISRS) et parfois les thymorégulateurs peuvent être utiles pour traiter des épisodes dépressifs ou une anxiété sévère associés, mais ils n’effacent pas les traces relationnelles ; ils doivent être intégrés à une stratégie thérapeutique globale.

Exemple clinique — Léa, 30 ans, parcours thérapeutique

Léa souffre d’une dépression récurrente et d’une critique interne sévère héritée d’une mère constamment critique. Une TCC combinée à une TIP a permis, en 14 mois, d’identifier les schémas de pensée automatiques, de reconstruire progressivement l’estime de soi et d’améliorer ses relations professionnelles. À 18 mois, Léa témoigne d’une diminution des ruminations et d’un meilleur engagement social.

 

Prévention et interventions précoces chez l’enfant victime de violences verbales

La prévention est cruciale. Sensibiliser les professionnels (pédiatres, enseignants, travailleurs sociaux) et les familles au fait que les paroles peuvent laisser des séquelles durables est la première étape. Les actions utiles comprennent :

  • programmes d’éducation parentale visant à enseigner des modes de communication bienveillants ;
  • interventions en milieu scolaire pour repérer et traiter le harcèlement verbal entre pairs ;
  • formation des professionnels pour détecter les signes et orienter vers des ressources psychologiques ;
  • politiques publiques reconnaissant la violence verbale comme un type de maltraitance à part entière.

Des études de population récentes appellent d’ailleurs à intégrer la prévention de la violence verbale dans les stratégies nationales de protection de l’enfance, étant donné son poids sur le bien-être adulte.

 

Repérer et agir : guide pratique pour les proches et professionnels

Si vous suspectez qu’un enfant subit de la violence verbale, agissez selon ces étapes :

  1. écouter sans juger ;
  2. documenter les propos répétés ou les signes cliniques (troubles du sommeil, repli social) ;
  3. protéger l’enfant (évaluer le danger immédiat) ;
  4. orienter vers des services pédiatriques et de protection de l’enfance si nécessaire ;
  5. proposer un accompagnement psychologique pour l’enfant et, si possible, un travail parental (éducation positive).

Il est essentiel de ne pas minimiser les paroles blessantes sous prétexte qu’elles « ne font pas mal ». Les mots construisent l’image de soi ; répétés, ils peuvent modeler négativement le cerveau et la trajectoire personnelle.

 

Aspects légaux et reconnaissance institutionnelle

Dans de nombreux pays, la législation sur la protection de l’enfance reconnaît les formes de violence psychologique, mais la mise en œuvre reste inégale. Récemment, des rapports et études ont alerté les autorités et le grand public sur l’augmentation de la prévalence de la violence verbale et ont plaidé pour une meilleure prise en charge institutionnelle. Les professionnels de santé et d’éducation ont un rôle de signalement et d’accompagnement, et des ressources communautaires existent dans de nombreux territoires.

 

Pourquoi le terme « violence verbale » doit compter

En conclusion, la violence verbale subie dans l’enfance est une forme de maltraitance aux conséquences réelles, mesurables et durables. Elle altère le développement cérébral, fragilise l’équilibre émotionnel et augmente le risque de troubles mentaux à l’âge adulte. À la lumière des données récentes, qui montrent une prévalence élevée (et en hausse) et une association substantielle avec le malaise adulte, il est impératif que la société reconnaisse, prévienne et traite la violence verbale avec le même sérieux que la violence physique.

 

Ressources, aide et contacts

Si vous-même ou un proche êtes affecté(e), n’hésitez pas à solliciter :

  • votre médecin traitant ou pédiatre ;
  • un psychiatre ou un psychologue clinicien ;
  • les services de protection de l’enfance locaux ;
  • associations spécialisées en soutien aux victimes de maltraitance.

La parole réparatrice, le soutien familial ou social et une prise en charge psychothérapeutique adaptée permettent souvent de réparer, progressivement, les séquelles laissées par des paroles blessantes.

 

Venir au cabinet

Dr Neveux Nicolas, 9 rue Troyon, Paris; tél: 0609727094

  • Métro: Station Charles de Gaulle Etoile (ligne 6 depuis Paris 7-14-15-16; ligne 2 depuis Paris 17; ligne 1 depuis Paris 1-2-8, Neuilly sur Seine, La Défense, Nanterre).
  • RER: Station Charles de Gaulle Etoile (RER A depuis La Défense, Nanterre, Paris 8, Paris 1-4-11, Rueil, Maisons Laffitte, Le Vésinet etc…).
  • Bus: Station Charles de Gaulle Etoile (lignes 22-30-52 depuis Paris 75016; ligne 92 depuis Paris 75007, 75014, 75015; lignes 30-31-92-93 depuis Paris 75017; ligne 73 depuis Neuilly sur Seine; lignes 22-52-73 depuis Paris 8; ligne 92 depuis Levallois).

Fait à Paris 16 par un psychiatre et un psychologue.

 


Notes sur la construction de l’article : cet article s’appuie notamment sur une méta-analyse / étude multi-cohortes publiée récemment dans BMJ Open qui met en évidence l’association robuste entre exposition à la violence verbale dans l’enfance et diminution du bien-être mental à l’âge adulte, ainsi que sur des revues scientifiques sur les effets neurobiologiques de la maltraitance.

 

Image par Aamir Mohd Khan


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