Pervers narcissique: de quoi s’agit-il?

Vous voulez en savoir plus sur pervers narcissique? Vous êtes sur la bonne page! Vous trouverez ici toutes les informations nécessaires pour identifier et savoir réagir face à pervers narcissique.

Rédacteur: Dr Nicolas Neveux,
Psychiatre à Paris, formé en Thérapie Cognitive et Comportementale (AFTCC) et en
Thérapie Interpersonnelle (IFTIP),
mail: dr.neveux@gmail.com

Sources:Pratiquer la Thérapie Interpersonnelle (TIP), Dunod; Prendre en charge la dépression avec la thérapie interpersonnelle, Dunod.

L’essentiel:

• Le pervers narcissique est une personnalité complexe, souvent associée à des troubles graves (dépression, anxiété, traumatismes).
• Un médecin ou un psychiatre doit établir le diagnostic et proposer une prise en charge adaptée.
• La Thérapie Cognitive et Comportementale (TCC) et la Thérapie Interpersonnelle (TIP) sont des approches efficaces pour les victimes.

Qu’est-ce qu’un pervers narcissique ? Définition et caractéristiques

Le terme pervers narcissique est souvent utilisé dans le langage courant pour décrire une personne manipulatrice, dépourvue d’empathie et capable de nuire à autrui pour satisfaire ses propres besoins. En psychologie et en psychiatrie, ce concept renvoie à une combinaison de traits de personnalité narcissique et de comportements pervers, c’est-à-dire intentionnellement nuisibles.

D’un point de vue clinique, le pervers narcissique n’est pas une catégorie diagnostique officielle dans les classifications internationales (DSM-5, CIM-11). Cependant, il est possible de le décrire comme une personne présentant à la fois des traits de trouble de la personnalité narcissique (grandiosité, besoin d’admiration, manque d’empathie) et des comportements manipulateurs, abusifs ou sadiques, souvent observés dans les troubles de la personnalité antisociale ou les perversions morales.

Exemple clinique : Un patient, M. L., 45 ans, consulte pour des difficultés relationnelles répétées. Il décrit son ex-compagne comme « incapable de comprendre sa valeur », tout en reconnaissant qu’il a « parfois pu la blesser pour qu’elle comprenne qui commandait ». Lors des entretiens, il minimise ses actes (« c’était pour son bien »), refuse toute remise en question, et exprime un mépris évident pour les « faibles ». Ce cas illustre la combinaison de traits narcissiques (sentiment de supériorité) et de perversion (manipulation, absence de culpabilité).

Les mécanismes psychologiques du pervers narcissique

1. Le manque d’empathie et la manipulation

L’une des caractéristiques centrales du pervers narcissique est son incapacité à ressentir de l’empathie pour autrui. Cette absence de connexion émotionnelle lui permet de manipuler, mentir ou blesser sans ressentir de culpabilité. La manipulation est souvent subtile : compliments calculés, victimisation, culpabilisation de l’autre, ou encore utilisation de la flatterie pour obtenir ce qu’il veut.

Exemple clinique : Une patiente, Mme R., raconte comment son conjoint, après une dispute, lui offrait des cadeaux coûteux pour « faire la paix », tout en lui reprochant ensuite d’être « ingrate » et « trop sensible ». Ce comportement, appelé « love-bombing » suivi de dévalorisation, est typique des stratégies de contrôle du pervers narcissique.

2. Le besoin de contrôle et de domination

Le pervers narcissique cherche constamment à dominer son entourage, que ce soit dans le couple, au travail ou en famille. Il utilise pour cela des techniques variées : isolement de la victime, dévalorisation systématique, ou encore création d’un climat de dépendance affective. Ce besoin de contrôle s’explique souvent par une peur profonde de l’abandon ou de la perte de pouvoir.

Exemple clinique : Un homme, M. T., impose à sa compagne de couper les ponts avec sa famille sous prétexte qu’ils « l’influencent contre lui ». Il vérifie ses messages, critique ses choix vestimentaires, et lui interdit de travailler. Ces comportements, en plus d’être abusifs, révèlent une volonté de maintenir un ascendant total sur l’autre.

3. La jalousie et la rivalité

Le pervers narcissique est souvent habité par une jalousie maladive et une incapacité à supporter la réussite ou le bonheur des autres. Il peut saboter les projets de ses proches, dévaloriser leurs accomplissements, ou encore semer la zizanie dans leur entourage.

Exemple clinique : Une jeune femme, Mlle S., explique que son frère, qu’elle suspecte de perversion narcissique, a toujours minimisé ses succès scolaires (« tu as eu ton diplôme par chance »), tout en se mettant en avant de manière exagérée. Cette rivalité fraternelle, poussée à l’extrême, est un marqueur fréquent de ce type de personnalité.

Comment reconnaître un pervers narcissique ? Signes et comportements

1. Dans le couple : l’emprise affective

Dans une relation amoureuse, le pervers narcissique instaure progressivement une emprise affective. Les phases sont souvent les suivantes :

• Idéalisation : la victime est placée sur un piédestal, bombardée d’attention et de compliments.
• Dévalorisation : critiques, moqueries, remarques blessantes deviennent fréquentes.
• Rejet : la victime est ignorée, humiliée, parfois remplacée par une nouvelle cible.

Exemple clinique : Une patiente, Mme D., décrit comment son partenaire, après des mois de « romance parfaite », a commencé à la critiquer sur son physique, ses compétences professionnelles, puis à la tromper ouvertement, tout en niant ses torts (« tu es parano »).

2. Au travail : le harcèlement moral

En milieu professionnel, le pervers narcissique peut se comporter en harceleur moral : il rabaisserait ses collègues, s’approprierait le travail des autres, ou créerait des conflits pour diviser les équipes. Son objectif est souvent de se mettre en valeur au détriment des autres.

Exemple clinique : Un cadre, M. P., raconte comment son supérieur hiérarchique lui confiait des dossiers importants, puis les présentait comme siens devant la direction, tout en le critiquant en privé pour des « erreurs » imaginaires. Ce type de comportement, appelé « gaslighting », vise à déstabiliser et à dominer.

3. En famille : la manipulation et la triangulation

Dans le cercle familial, le pervers narcissique utilise souvent la triangulation : il monte les membres de la famille les uns contre les autres, joue les victimes, ou instrumentalise les enfants pour blesser son/sa partenaire.

Exemple clinique : Une mère, Mme K., explique que son ex-mari, après leur séparation, a convaincu leurs enfants qu’elle était « égoïste » et « instable », allant jusqu’à leur interdire de lui parler au téléphone. Cette stratégie vise à isoler la victime et à renforcer son propre contrôle.

Les conséquences pour les victimes : traumatismes et séquelles

1. Troubles anxieux et dépressifs

Les victimes de pervers narcissiques développent fréquemment des troubles anxieux (attaques de panique, anxiété généralisée) ou des dépressions, en raison du stress chronique et de la dévalorisation subis. L’estime de soi est souvent profondément atteinte.

Exemple clinique : Une patiente, Mme L., présente un syndrome dépressif sévère après des années de mariage avec un homme qu’elle qualifie de « tyran ». Elle a perdu confiance en elle, doute de sa perception de la réalité, et évite tout contact social par peur d’être jugée.

2. Syndrome de stress post-traumatique (SSPT)

Dans les cas les plus graves, notamment après des années d’emprise, certaines victimes développent un SSPT, avec des symptômes comme des cauchemars, des flashbacks, ou une hypervigilance.

Exemple clinique : Un homme, M. B., présente des symptômes de SSPT après avoir été harcelé par son supérieur hiérarchique pendant cinq ans. Il sursaute au moindre bruit, évite les lieux rappelant son ancien travail, et souffre d’insomnies.

3. Difficultés relationnelles futures

Les victimes peuvent également développer une méfiance généralisée envers les autres, ou au contraire, une tendance à se mettre en danger en répétant des schémas relationnels toxiques.

Exemple clinique : Une jeune femme, Mlle M., après une relation avec un pervers narcissique, enchaîne les partenaires abusifs, reproduisant inconsciemment le schéma de soumission et de dévalorisation qu’elle a connu.

Comment se protéger et se reconstruire face à un pervers narcissique ?

1. Prendre conscience de la situation

La première étape est de reconnaître l’abus et de cesser de minimiser les comportements toxiques. Tenir un journal, en parler à un professionnel, ou lire des témoignages peut aider à y voir plus clair.

2. Couper les ponts (quand c’est possible)

Dans la plupart des cas, la seule solution pour se protéger est de rompre tout contact avec le pervers narcissique. Cela peut être difficile, surtout s’il y a des enfants ou des liens familiaux, mais c’est souvent nécessaire pour commencer à guérir.

Exemple clinique : Une patiente, Mme N., a dû déménager et changer de numéro de téléphone pour échapper à son ex-conjoint, qui continuait à la harceler après leur séparation. Cette décision, bien que douloureuse, lui a permis de retrouver une stabilité émotionnelle.

3. Se faire accompagner par un professionnel

Une thérapie spécialisée (TCC, TIP, EMDR) est essentielle pour traiter les traumatismes, restaurer l’estime de soi, et apprendre à établir des limites saines. Les groupes de parole peuvent aussi être bénéfiques.

Exemple clinique : Un patient, M. R., a suivi une thérapie TCC pour surmonter les séquelles d’un harcèlement moral au travail. Grâce à des techniques de restructuration cognitive et d’affirmation de soi, il a pu reprendre confiance et retrouver un emploi.

4. Reconstruire son estime de soi

La reconstruction passe par un travail sur l’image de soi : identifier ses forces, se fixer des objectifs réalistes, et s’entourer de personnes bienveillantes. Les activités créatives, sportives ou associatives peuvent aussi aider à retrouver un sentiment de compétence et de valeur personnelle.

Pervers narcissique : que dit la science ?

Les recherches en psychologie et en neurosciences montrent que les traits de personnalité narcissique et pervers sont souvent liés à des dysfonctionnements dans les circuits cérébraux de l’empathie et de la régulation émotionnelle. Des études en imagerie cérébrale (IRMf) ont par exemple révélé une activité réduite dans le cortex préfrontal médian et l’insula chez les individus présentant des traits narcissiques marqués (source : NCBI).

Par ailleurs, des travaux en psychologie développementale suggèrent que ces traits peuvent être le résultat de carences affectives précoces (enfance négligée, parents absents ou abusifs), ou au contraire, d’une éducation survalorisante (« l’enfant roi »), qui empêche le développement d’une empathie normale.

Foire aux questions (FAQ) sur le pervers narcissique

Un pervers narcissique peut-il changer ?

Réponse : Le changement est rare, car il suppose une prise de conscience et une volonté de remettre en question des mécanismes de défense très ancrés. La plupart des pervers narcissiques ne consultent pas, car ils ne se considèrent pas comme « malades ». Lorsqu’ils le font, c’est souvent sous la pression de leur entourage, et les résultats sont limités.

Comment réagir face à un pervers narcissique au travail ?

Réponse : Il est conseillé de :

• Documenter tous les incidents (mails, témoignages).
• Éviter les confrontations directes, qui peuvent aggraver la situation.
• En parler aux ressources humaines ou à un supérieur hiérarchique de confiance.
• Consulter un avocat ou un syndicat si le harcèlement persiste.

Peut-on aider un pervers narcissique à se soigner ?

Réponse : Il est très difficile d’aider une personne qui ne reconnaît pas ses torts. La meilleure approche est de se protéger soi-même et, si possible, d’orienter la personne vers un professionnel (psychiatre, psychologue), tout en gardant à l’esprit que le pronostic est souvent réservé.

Conclusion : Comprendre pour mieux se défendre

Le pervers narcissique est une personnalité complexe, dont les comportements peuvent laisser des traces durables chez les victimes. Reconnaître les signes, comprendre les mécanismes, et savoir comment se protéger sont des étapes essentielles pour briser le cycle de l’abus et entamer un processus de reconstruction.

Si vous vous reconnaissez dans les situations décrites, ou si vous suspectez qu’un proche est victime d’un pervers narcissique, n’hésitez pas à consulter un professionnel de santé mentale. Vous n’êtes pas seul(e), et des solutions existent pour retrouver une vie épanouie et sereine.

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Fait à Paris 16 par un psychiatre et un psychologue.